Le cinéma de "Little Italy" (entendons par là celui de Scorsese, de Coppola et d'Abel Ferrara) prend à de nombreuses reprises comme sujet la mafia italienne, et plus souvent encore italo-américaine. Il est alors aisé de comparer ce cinéma à celui traitant d'autres mafias (hongkongaise avec Jonnhy To, russe avec Little Odessa de James Gray ou Les promesses de l'ombre de Cronenberg, la petite pègre anglaise dépeinte par Guy Ritchie dans Arnaques, crimes et botanique...), mais on peut également lui chercher un équivalent non dans l'espace, mais dans le temps. Frankie Pentangeli, dans Le Parrain II, dit à Tom Hagen : "On était l'égal de l'Empire romain. La Famille Corleone, c'était comme l'Empire romain." Et en effet, si l'on ne peut pourtant pas dire que la tête de l'Empire romain était une mafia, on peut néanmoins comparer sa structure et son fonctionnement à celui des "Familles" mafieuses illustrées dans la trilogie des Parrains de Francis Ford Coppola. L'Empire, quant à lui, sera étudié à travers le Jules César de J.L. Mankiewicz (...)
[...] L'Empire, quant à lui, sera étudié à travers le Jules César de J.L. Mankiewicz. Le premier point de comparaison entre la mafia italo-américaine et l'Empire romain est l'organisation de ces deux structures. Dans l'entrevue précédemment citée entre Franck Pentangeli et Hagen, celui-ci rappelle à Pentangeli qu'il fait partie de ceux qui ont imaginé l'organisation des Familles, qui ont voulu qu'elles soient comme les légions romaines, avec des régimes, des caporaux, des soldats Et ça a marché ajoute-t-il. On était l'égal de l'Empire romain acquiesce Pentangeli. [...]
[...] Mais la mafia italo-américaine ne partage pas avec son modèle antique sa seule structure. Certaines valeurs méritent, par leur caractère fondamental, d'être étudiées. La première est l'importance accordée à la communauté. La fierté des origines chez la diaspora italienne du New-York du XXe siècle trouve un écho dans le nationalisme antique. En effet, à Rome, les hautes charges de la Cité ne pouvaient être occupées que par des citoyens romains de haut rang, et qui n'était pas patricien n'y pouvait prétendre ; de même, l'idée d'un chef de famille qui ne serait pas italien est une aberration pour tous les membres de la mafia italo-américaine. [...]
[...] Ainsi, on constate à de nombreux égards que deux films a priori aussi éloignés que Jules César et Le Parrain se rejoignent pourtant sur plusieurs points : même sujet d'abord, celui du meurtre et de la trahison au sein du cercle affectif et/ou familial (Christian Viviani et JP Chaillet iront jusqu'à dire que The Godfather, dans ses deux parties, conte en fait le meurtre du père valeurs communes qui sont des motifs récurrents dans chacun des films : la famille, l'honneur, la communauté ; même acteur enfin, point qui, on l'a vu, déborde la simple anecdote biographique : Marlon Brando plus que tout le reste instaure un lien au sein même du film de Coppola entre les deux personnages, Marc-Antoine et Don Corleone, et au- delà entre les deux œuvres, lien qui inscrit la mafia italo-américaine comme descendante de Rome, et qui désigne par cela Le Parrain comme héritier et hommage à Jules César. BIBLIOGRAPHIE - BARTHES Roland, Les romains au cinéma in Mythologies, Editions du Seuil, Paris - CIMENT Michel, Le crime à l'écran, une histoire de l'Amérique, Paris, Gallimard - MARX René, Martin Scorsese : regards sur la trahison, H. Berger - MERIGEAU Pascal, Prêtez-moi l'oreille in Mankiewicz, Denoël - VIVIANI Christian et CHAILLET JP, Francis Ford Coppola, Paris, Rivages- Cinéma Cité dans MARX René, Martin Scorsese : regards sur la trahison, H. [...]
[...] C'est le grand problème de la famille Corleone, le grand sujet du Parrain, et la cause première de l'assassinat de Jules César. S'il ne s'agissait que de sentiments personnels, César n'aurait en effet jamais été tué. Brutus, dans un monologue où il hésite sur la proposition que lui a fait Cassius de se joindre aux conspirateurs, en arrive à cette indubitable conclusion que sa mort est la seule solution. Je n'ai pour l'abattre pas de motif personnel mais général. Il a envie d'être roi ! [...]
[...] Or c'est ce traitement microcosmique que Coppola a choisi pour la trilogie des Parrains : en filmant l'histoire d'une famille, il parvient à raconter la grandeur et la décadence de la mafia italo-américaine toute entière. Scorsese disait que Coppola faisait des films mythologiques sur la mafia[1] : pourtant le seul mot employé dans ses films pour s'y référer est celui de famille (terme à double sens dont l'ambiguïté homonymique reflète toute l'esthétique de Coppola), et les films, qui prennent effectivement la forme de fresques historiques, sortent finalement rarement du cadre familial. [...]
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