L'œuvre étudiée est une gravure de dix-neuf centimètres de haut, sur treize centimètres de large imprimée sur du papier au moyen d'une plaque de cuivre préalablement gravée au burin. Cette gravure, qui représente quatre femmes nues disposées en cercle, a fait l'objet d'interprétations tellement nombreuses qu'il est désormais impossible de lui associer un titre officiel valable. Cependant des indications directement portées sur l'image nous permettent d'affirmer qu'elle a été réalisée en 1497 par l'artiste allemand Albrecht Dürer. Grâce à ses informations, nous pouvons également affirmer que cette œuvre ne possède pas de commanditaire, dans la mesure où Albrecht Dürer ne réalisait jamais de gravures sur commande. On peut noter que son actuel lieu de conservation est le musée national allemand de Nuremberg.
Avant de passer à la description formelle de la gravure, il semble important de préciser que la profondeur, le relief, et les effets d'ombre et de lumière que l'on observe sont rendus par le creusement, sur la plaque de cuivre, de sillons parfaitement géométriques. Ces sillons se rapprochent et s'entrecoupent de manière différente en fonction des surfaces à suggérer.
[...] Néanmoins, même si les interprétations de la gravure s'opposent, cette dernière reflète dans ses moindres détails les pratiques artistiques de son époque : la Renaissance. Cela se manifeste, ne serait-ce que par la prise de conscience de l'identité de l'artiste, symbolisée par la date et la signature apposées sur la gravure. La référence à l'antiquité est aussi fortement présente dans l'œuvre, dans la mesure où Dürer a repris la composition du groupe statuaire hellénistique des Trois Grâces, auquel il a simplement ajouté un personnage très peu visible. [...]
[...] Cependant, ce caractère inédit a réservé aux historiens de l'art bien des soucis. En effet, la gravure que nous étudions, ainsi que Le Songe du Docteur (une autre gravure réalisée la même année qui reprend des éléments du même genre, à savoir un nu féminin inspiré de l'antiquité, et une bête diabolique) connaissent un grand nombre d'interprétations, aussi diverses que contradictoires. En ce qui concerne notre gravure, nous allons détailler les trois interprétations les plus courantes et surtout les plus pertinentes. [...]
[...] Cette idée est reprise et amplifiée par Jacques Sprenger qui écrit, en 1487, le parfait manuel du chasseur de sorcières intitulé le Malleus Malificarum, plus connu sous le nom du Marteau des Sorcières. A l'intérieur de ce livre, se trouve le récit d'une histoire qui peut correspondre à la gravure de Dürer : Une jeune femme, qui attendait un enfant, avait engagé une sage-femme pour l'aider dans ses derniers mois de grossesse. Cette dernière, de par son attitude atypique, fut soupçonnée de sorcellerie et chassée de la maison. Pour se venger, la sage-femme revint dans la demeure avec deux complices et tua l'enfant dans les entrailles de sa mère. [...]
[...] Cependant, là encore, des incohérences sont présentes. On remarque que la femme enceinte ne se débat pas, alors que l'on est en train de tuer la chair de sa chair. De plus, Dürer a déjà eu l'occasion de représenter des sorcières dans ses œuvres, mais jamais il ne les a figurées aussi belles et jeunes que dans cette gravure. Pour preuve, voici une de ses estampes intitulée La Sorcière : La Sorcière, d'Albrecht Dürer, vers 1500. Cette dernière nous montre une sorcière associée à tous ses stéréotypes, à savoir le balai, la laideur, la vieillesse, le nez crochu, les pustules C'est pourquoi l'interprétation qui semble la plus juste est celle qui assimile la scène à une allégorie du purgatoire. [...]
[...] Dans un souci de partialité, on demande alors à Pâris, le plus beau des mortels, de les départager. Afin de mettre en avant leurs avantages, les trois déesses se présentent nues devant Pâris. Paris choisit Vénus et ce choix, sans rentrer dans les détails, mènera au déclenchement de la guerre de Troie. Si l'on se base sur cette histoire, la femme le plus à gauche sur la gravure de Dürer est Junon, celle de dos est Minerve, celle-là plus à droite est Vénus, et le dernier personnage est Eris. [...]
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