Sur la Piazza Colonna de Rome, la colonne Aurélienne est un monument en marbre commémorant les campagnes militaires de Marc-Aurèle. On l'appelle également, d'une manière plus traditionnelle et erronée, colonne Antonine. Elle fut édifiée à Rome entre 180, date de la mort de Marc-Aurèle, et 193, date à laquelle une inscription indique que le gardien préposé à sa protection, le procurator columnae Adrastus, obtînt le droit d'utiliser pour un usage personnel le bois de ses échafaudages. La date du commencement des travaux varie néanmoins d'un auteur à l'autre, certains les faisant débuter dès 176, alors que la seconde campagne militaire majeure de Marc-Aurèle s'achevait. Il s'agit donc d'une colonne sculptée sur laquelle s'enroule une spirale qui, considérée dans un sens de lecture ascendant, présente divers faits de la vie de cet empereur. Elle était autrefois surmontée d'une statue de ce dernier, mais elle fut remplacée à la fin du XVIème siècle par une représentation en ronde-bosse de saint Paul. De même la base du monument évolua-t-elle : elle se situait ainsi à l'origine quelques 3,86 mètres en dessous de l'actuelle et était elle-même sculptée. Le monument mesure actuellement 41,951 mètres de haut, dont 29,061 mètres pour le seul fût, dont le diamètre rétrécit légèrement de 3,8 mètres à sa base à 3,66 mètres à son sommet. Les catalogues des Régionnaires indiquaient à la fin de l'Empire romain que la colonne mesurait 51,95 mètres : cette mesure incluait la partie de la base maintenant enfouie ainsi que la statue de Marc-Aurèle. La conservation de l'œuvre ne permet donc pas de l'appréhender aujourd'hui comme lorsqu'elle fut édifiée, du fait également de la grande détérioration des sculptures de la spirale, particulièrement celles de l'Ouest (impression d'autant plus perceptible quand on les compare aux reliefs de la très similaire colonne Trajane construite aussi au IIème siècle entre 107 et 113). De même le site sur lequel se trouve le monument évolua-t-il, et si l'on sait qu'il se trouvait dans l'axe du temple posthume de Marc-Aurèle, sa destruction ainsi que le développement d'un environnement urbain autour de la colonne compliquent une observation « à l'antique », pour le spectateur contemporain. Il faut enfin relever que quelques travaux de restauration des sculptures furent entrepris sous Sixte V, à la fin du XVIème siècle : l'empreinte de la Renaissance ne se trouve donc pas exclusivement dans l'apposition de la statue de saint Paul.
Ainsi que le début de cette analyse en est déjà l'exemple, la comparaison du monument de la Piazza Colonna avec la colonne Trajane est bien souvent inévitable, du fait de leur proximité géographique, esthétique et temporelle. Considérer que la colonne Aurélienne est postérieure de quatre-vingts ans environ à celle de Trajan conduit par ailleurs à s'interroger : la colonne de Marc-Aurèle montre-t-elle une influence importante des créateurs de la colonne Trajane ou s'en affranchit-elle plutôt ?
Il convient pour répondre à cette question de décrire dans un premier lieu ce monument afin de comprendre son organisation et ses messages. Puis dans un second lieu nous déduirons de ces observations les influences et, à l'inverse, les éventuels particularismes qui se dégagent de la colonne Aurélienne.
[...] Aurelius Victor et Epitome de Caesaribus écrivirent au IVème siècle que l'on avait édifié en 180 à la mort de Marc-Aurèle des temples et des colonnes Deux au moins furent bâties, sur le même axe, à Rome, célébrant à la fois la gloire mais aussi les qualités morales, religieuses et philosophiques de cet empereur. Si la colonne Aurélienne semble avoir été bâtie sur le modèle de celle de Trajan, elle est néanmoins l'illustration des mutations de l'art romain entre leurs deux édifications. Tournés vers plus d'expressivité, les artistes commencèrent à délaisser la tradition hellénistique naturaliste. [...]
[...] C'est en tout cas ce qu'essayèrent de nous faire comprendre les sculpteurs de ce monument. Dès lors, l'empereur étant aussi magnifié par sa volonté d'endurer la souffrance du combat, on peut comprendre en grande partie pourquoi ceux qui édifièrent la colonne Aurélienne s'attachèrent à mettre en scène d'une manière forte et intense la violence. Dans la scène de la décapitation de barbares, dans la deuxième partie de la spirale (la plus haute, celle qui succède à la victoire), plusieurs éléments récurrents dans la frise se conjuguent pour souligner la violence des combats. [...]
[...] Il convient dès lors de s'interroger sur les influences qu'ont subies les créateurs de ce monument ainsi que sur les particularités qu'ils ont su développer. La comparaison avec la colonne Trajane est ici nécessaire tant les deux œuvres présentent de similitudes, mais également et surtout pour mettre en évidence la singularité et l'importance de la colonne Aurélienne pour la période. Ainsi faut-il remarquer en premier lieux que sous de nombreux aspects, cette célébration de Marc-Aurèle semble largement inspirée du modèle édifié pour Trajan. Dans leurs dimensions tout d'abord les similitudes sont importantes. [...]
[...] Ainsi remarque-t-on l'absence récurrente, notamment dans la décapitation décrite précédemment, de fonds paysagés pour les scènes de combat. La profondeur des sculptures, assez importante, obligea également les artistes, pour représenter clairement les formes, à n'envisager tout au plus que deux à trois personnages se superposant sur des plans différents comme dans la scène de la décapitation : l'œil du spectateur se perdait ainsi moins dans un foisonnement de formes et de personnages et se trouvait donc plus réceptif à la brutalité des gestes de ceux-ci. [...]
[...] Que l'on considère la colonne dans sa globalité ou dans ses plus petits détails, tout semble concourir à cela. On peut ainsi supposer que la perspective monumentale qui s'offrait au regard du spectateur romain se dirigeant vers ce monument célébrait avec force la grandeur du défunt empereur, puisque la colonne fut édifiée dans l'axe du temple posthume de ce dernier. Les formes mêmes du monument participaient à inspirer ce sentiment. Ainsi la base de la colonne, qui, selon Robert Turcan, dépassait les dix mètres de hauteur élevait déjà considérablement le fût : le cœur de l'oeuvre. [...]
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