Claire Denis fait un cinéma qui lui ressemble, à tel point qu'aussi aventureux et nouveaux soient les chemins qu'emprunte chacun de ses films, ils se croisent, se font écho, ont un air de cousinage. En 1989, S'en fout la mort est son troisième film. Deuxième long métrage de fiction, deux ans après Chocolat qui l'a révélée, fable métisse ancrée dans la mémoire d'une enfance africaine, troisième long métrage succédant à Man No Run, qui accompagnait le groupe musical camerounais Les Têtes brûlées, mais premier film entièrement accompli, combinant la sincérité du récit du premier et l'enregistrement fondé sur la pulsation, les vibrations physiques, du deuxième (...)
[...] Deux manières, parmi d'autres, de l'attester : les lieux, les corps. Les lieux, ici les Halles de Rungis, là les quartiers déshérités de Marseille, pas un gramme de folklore, à peine de description, mais dans chaque cas un art très savant et très puissant de la construction de notre regard sur cet environnement, son histoire, ce qui s'y cache davantage que ce qui s'y voit. Affaire d'intensité des lumières et des voix, de résonance des matériaux, de vitesse des mouvements de caméra, de rythme du montage. [...]
[...] Voilà même que ce film stupéfiant décrète possible de doubler la mise avec Nénette, pas plus apprivoisable que Boni, différente de Boni et aussi singulière que lui. Redoublement, croisement, trafics d'attractions, de répulsions, chimies des affinités, nerfs et tendons, jeunesse et détresse, voilà l'invention par le cinéma du respect de ce qu'ils sont, à côté des lois (celles de la ville, de la famille, du récit) en ne déniant rien à Dah, à Jocelyn, à Nénette ni à Boni de l'entièreté de leur existence. [...]
[...] peintures cinématographiques - Les souffles de Claire Denis - Autour de S'en fout la mort (1989) et Nénette et Boni (1996) Claire Denis fait un cinéma qui lui ressemble, à tel point qu'aussi aventureux et nouveaux soient les chemins qu'emprunte chacun de ses films, ils se croisent, se font écho, ont un air de cousinage. En 1989, S'en fout la mort est son troisième film. Deuxième long métrage de fiction, deux ans après Chocolat qui l'a révélée, fable métisse ancrée dans la mémoire d'une enfance africaine, troisième long métrage succédant à Man No Run, qui accompagnait le groupe musical camerounais Les Têtes brûlées, mais premier film entièrement accompli, combinant la sincérité du récit du premier et l'enregistrement fondé sur la pulsation, les vibrations physiques, du deuxième. [...]
[...] Il faut une extraordinaire clairvoyance pour ainsi, sans artifice, cueillir d'une caresse ou d'un choc (caresse ou choc d'image, de son) la promesse de réalité et de fiction que recèlent des lieux que rien ne désignait à une attention particulière. Les corps, dans les films de Claire Denis, émettent un rayonnement singulier. Sa caméra est un compteur Geiger conçu pour capter ces vibrations, cette radioactivité sensuelle, dangereuse, troublante. Ses films sont des réacteurs qui fonctionnent à cette énergie-là, et aux démultiplications infinies de leurs interactions. [...]
[...] C'est peu ? C'est énorme, et si rare pas seulement dans les films. [...]
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