Enfin les pièces d'Ingres, s'inscrivent dans le contexte d'une commande de dix-sept cartons qui lui fut faite en juillet 1842 par Louis-Philippe, pour servir de modèle aux vitraux ornant la chapelle Saint Ferdinand des ternes à Paris, construite en mémoire du fils aîné sur le lieu de l'accident qui lui causa la mort. Les huiles sur toiles d'Ingres seront exposés au musée du Luxembourg puis transférés en 1874 au Louvre ; quand aux cartons (crayon noir et aquarelle sur toile) car il faut savoir qu'Ingres fit plusieurs version des allégorie, utilisant différentes techniques, ils sont aujourd'hui entreposés dans la réserve du Carrousel.
De nombreuses questions se posent devant la similitude flagrante des toiles ; l'influence de Raphaël sur l'œuvre d'Ingres est indéniable pourrait-on donc voir dans la copie ingresque une volonté d'influencer l'œuvre de son maître, comme il l'appelait, ou d'en modifier la vision qu'en avait son siècle?
[...] Nous étudierons l'allégorie de la Charité parce que comme toutes les femmes, elle est chez Ingres à mettre d'une manière ou d'une autre dans la catégorie des odalisques ; c'est dans cette œuvre entre les trois que s'exprime le plus la griffe du peintre et donc qu'il est le plus intéressant d'étudier les interactions des deux œuvres, des deux peintres. Une copie parfaite La Charité peinte par Raphaël (Urbino 1483 Rome 1520) appartient au retable Baglioni commandé, et c'est une coïncidence intéressante, par Atalanta Baglioni en mémoire de son fils Grifone assassiné en 1500 au cours d'une vengeance familiale, Raphaël l'exécuta en 1507. Ce Retable est aujourd'hui dispersé les trois allégories, dont le Charité que nous étudions se trouvent au musée du Vatican. [...]
[...] Ce mélange des corps, dont l'expression la plus nette reste le bain turc, est bien souvent présent chez Ingres. C'est dans cette allégorie les quatre jeunes enfants serrés autour de la Charité qui permettent cet effet. Enfin il s ‘agit de parler de la charité ou plutôt de la femme qui la représente. Elle se distingue, à la différence des nombreux saints qu'Ingres représenta dans ces cartons pour les autres vitraux de la chapelle par son humanité. C'est en cela qu'elle se différencie également de la Charité de Raphaël dont la perfection est un peu froide. [...]
[...] Les tableaux d'Ingres ont en effet l'air de dessin ; ils furent d'ailleurs initialement catalogués dans les collections du Louvre comme aquarelle alors qu'ils sont réalisés à l'huile. L'huile est simplement très diluée ce qui donne cette apparence inhabituelle et un peu pâle. Ingres ne s'est jamais vraiment fait connaître en tant que coloriste mais plus que ça il s'agit sûrement ici d'un parti pris d'Ingres de copier cet effet de relief feint déjà adopté par Raphaël. La copie est flagrante et la maîtrise d'Ingres dans ce domaine ne rend la comparaison que plus intéressante. Que peut-on y voir ? [...]
[...] On ajoutera que cette femme répond aux critères personnels de beauté d'Ingres ; il suffit pour appuyer cette déclaration de faire une analyse rapide du coup de la Charité. Il est comme bien des coups de femmes dans les tableaux d'Ingres étrangement tordu et d'une longueur qui semble peu naturelle. L'ovale du visage enfin et la rondeur des traits (les yeux, la bouche ) tiennent il faut bien le dire, plus de l'ingresque que du raphaélique. Cette Charité entre madone et odalisque ne peut donc être perçue comme une copie, c'est à dire une reproduction à l'identique, de l'œuvre initiale car elle en diffère en bien des points plastiques, mais aussi dans l'émotion qu'elle transmet : celle d'une vertu plus accessible, d'une madone plus humaine. [...]
[...] Que ce soit explicitement et dans des tableaux religieux comme cette Vierge à l'Ostie, à laquelle nous reviendrons parce qu'elle présente des ressemblances frappantes avec la Charité, ou que l'influence raphaélique ne soit que légèrement perceptible, comme dans cette autre toile, femme et enfant. La vierge à l'Ostie, permet une analogie exceptionnelle avec la Charité d'Ingres pour plusieurs raisons, la position centrale de la vierge dans une cadre rond, la symétrie qui l'entoure avec ici les deux candélabres qui sont également porteur de feu, la présence autour d'elle d'enfant, et enfin plus significatif encore le coup. Ingres se cite-t-il lui même ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture