Les divers moyens de reproduction photomécanique, éliminant le travail manuel, avaient réveillé au cours de la seconde moitié du XIXème siècle l'attrait pour les gravures originales. Une nouvelle émulation devait s'en suivre, sous l'impulsion première de la Société des Aquafortistes, entre les techniques traditionnelles de gravure sur bois, de gravure sur cuivre et de gravure sur pierre.
Les bibliophiles avaient un penchant net pour la première, Edouard Pelletan en tête. Mais c'était sans compter sur Bracquemond qui continuait de plaider pour la suprématie de l'eau-forte. Son argument premier résidait dans le parallèle évident entre la taille en creux et le dessin. Cette défense annonçait l'avenir, le cuivre devenant entre autres le terrain d'expression de Picasso. Mais la pierre et le crayon gras donnaient des effets de fondu qui convenaient à la touche de nombreux peintres comme Odilon Redon.
Mais peu importent ces querelles, elles s'effacèrent vite devant les chefs-d'œuvre qui ponctuèrent chaque procédé.
C'est donc de tout un ensemble de facteurs que naquît le grand livre illustré tel que le bibliophile le conçoit aujourd'hui, rencontre d'une expression littéraire et d'une expression plastique, aux manières et aux moyens différents.
Au départ, il y a un texte. Ambroise Vollard se vantait de laisser à ses peintres le choix des œuvres à illustrer. Mais l'un des rôles de l'éditeur consiste plutôt à deviner ou reconnaître par lui-même le lien profond qui peut unir un écrivain et un peintre. Lorsque l'un et l'autre sont motivés par une même verve créatrice, le livre illustré parvient au rang d'œuvre d'art.
C'est exactement le cas du Chant des morts, conjugaison des talents de Pierre Reverdy et de Pablo Picasso sous l'égide de Tériade.
[...] Le verbe est son médium, comme le sont la ligne et la couleur pour le peintre. Les poèmes de Reverdy rejètent la convention de la ponctuation, opèrent des décalages de mots, certains se voyant groupés en carrés, d'autres isolés. Des vides peuvent être réservés au cœur des blocs de caractères mais ces aménagements ne sont pas là pour faire du texte un objet plastique, ils font partie de la poésie de l'artiste. En aucun cas Reverdy ne peut se confondre avec un peintre, il est autonome avant tout. [...]
[...] Ils étaient des partisans farouches et exclusifs de la typographie, elle seule pouvant donner corps et volume au texte et, d'une manière générale, faire l'œuvre. Le Chant des morts s'avéra être la contradiction même de cet état d'esprit, devenant un symbole où l'écriture d'un poète et l'accompagnement plastique d'un peintre conjuguent leurs pouvoirs pour constituer l'un des plus beaux livres, peut-être le plus beau pour certains, du XXème siècle. L'un des plus mal accueillis aussi. Ce fut en effet une énorme déception pour les spéculateurs que ces 124 lithographies de Picasso dont pas une n'est dissociable du texte. [...]
[...] C'est exactement le cas du Chant des morts, conjugaison des talents de Pierre Reverdy et de Pablo Picasso sous l'égide de Tériade. LA POESIE AU SERVICE DE LA BIBLIOPHILIE La poésie a été sans aucun doute le type d'expression le plus proche par ses objectifs et par ses études des recherches de la peinture. Gérard Bertrand disait ainsi dans son Illustration de la poésie à l'époque du cubisme : Il existe une étrange complicité entre le langage poétique et le langage plastique. [...]
[...] Cette absence de tout préjugé distingue la démarche de Tériade. Elle est accordée à la liberté de technique qu'implique le concours du peintre. Une des conséquences de cet état de fait est la disparition des vieilles querelles de procédés, telles qu'elles pullulaient encore au début du siècle. Tériade s'est servi des uns et des autres dès lors qu'ils se soient prêtés à celui qui continue de penser avec ses mains IV) LE CHANT DES MORTS Le Chant des morts est un recueil de poésie achevé d'écrire par Pierre Reverdy le 5 janvier 1945 à Solesme. [...]
[...] De plus, le goût de la difficulté vaincue, celui de l'approfondissement l'amènent naturellement à l'estampe, et c'est pourquoi le maître s'est toujours entouré des meilleurs techniciens : Louis Fort, Mourlot, Lacourrière, Frelaut, Leblanc, Crommelynck et avec eux, il travaille dans les techniques les plus variées : eau-forte, pointe-sèche, aquatinte, burin, papier report, lavis lithographique, lithographie à la plume. Picasso les renouvela avec une étonnante économie de moyens. La gravure au trait, dans laquelle Picasso s'était souvent exprimé, est avant tout œuvre de dessinateur. [...]
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