Il se dit d'une peinture qu'elle est le reflet de la vision que l'artiste a de son époque. A l'aube de la Grande guerre, à une période de plus en plus tourmentée de problèmes politiques, les couleurs fauves rafraîchissent les regards tournés vers la morosité. Pourtant, deux peintres vont prendre le contre-pied du goût ambiant pour définir un style plus individualiste, celui d'un certain repli sur soi. Georges Braque et Pablo Picasso cherchent peut-être à se rassurer par des compositions structurellement toujours plus contrôlées, asservies même par la pensée artistique au point d'arriver presque au non-retour; le cubisme analytique.
Là, l'art de Braque donne toute sa mesure d'analyse et de pénétration du sujet. Dans le secret des ateliers, sans rechercher la publicité, cet homme est parvenu à fasciner par sa démarche constructiviste. Le Portugais, huile sur toile peinte en 1911 et conservée au Kunstmuseum de Bâle est un merveilleux témoignage de la réussite d'une étape de la longue quête créative de Braque.
Aussi, qu'est-ce que cette toile reflète pour ce dernier? Comment s'avère-t-elle être un manifeste du cubisme analytique?
Il est nécessaire d'apprendre à connaître les différentes influences de Georges Braque pour aborder sereinement ce chef-d'œuvre et toutes les nouveautés qu'il clame haut et fort.
[...] Comment s'avère-t-elle être un manifeste du cubisme analytique? Il est nécessaire d'apprendre à connaître les différentes influences de Georges Braque pour aborder sereinement ce chef-d'œuvre et toutes les nouveautés qu'il clame haut et fort. I/Le cheminement créatif dans l'œuvre de George Braque George Braque est né le 13 mai 1882 à Argenteuil au cœur même de cette banlieue parisienne qui avait tant inspiré Monet et ses amis. Cette atmosphère artistique perdure quand la famille Braque s'installe au Havre en 1890. [...]
[...] Les maisons se résument en effet en parallélépipèdes aux surfaces lisses, les arbres sont des tubes et ce n'est plus qu'un enchevêtrement des uns et des autres. De plus, la palette se réduit presque exclusivement à deux couleurs, les verts et les ocres. Cela en est fini du chromatisme fauve, l'œuvre tend à devenir ce monde fermé sur lui-même qu'est le cubisme analytique. Braque a maintenant saisi toute la leçon de Cézanne. Tout en travaillant sur le motif, ce dernier avait découvert un certain nombre de choses que le cubisme commençant va reprendre à son compte. [...]
[...] D'où cette sensation de fusion générale remplissant toute la toile, parfaitement retranscrite dans Le Portugais. Le problème est que la lecture de ce dernier devient difficile pour ne pas dire hermétique. Le titre donné aux œuvres de cette époque n'améliore guère les choses de ce point de vue mais c'est justement cette problématique que recherchait Braque. S'il avait jugé primordial que les spectateurs reconnaissent les personnages et les objets, il les aurait sûrement peints différemment. En parallèle, Picasso adopte les mêmes méthodes du cubisme analytique et comme chez son ami, ses toiles reflètent une cristallisation géométrique où une multitude de facettes grises et brunes s'emboîtent sur un échafaudage de traits noirs et s'illuminent d'elles-mêmes par transparence. [...]
[...] Braque reconnaît lui-même sa filiation au maître d'Aix. La lumière, la couleur chère aux impressionnistes et au fauvisme en découlant ont fait place ici aux mêmes préoccupations d'espace que Cézanne. La couleur perd de son importance au profit des formes structurantes; c'est la naissance du cubisme cézannien. Au cours des deux années de cette période et 1909, un pas décisif est franchi auquel Cézanne n'aurait sûrement pas donné sa caution: l'affranchissement du modèle. Durant ces deux ans et tout au long du cubisme, G.Braque applique pleinement le principe cézannien d'une primauté absolue de la conception, c'est à dire l'invention dans la peinture. [...]
[...] Le Portugais en est une des multiples illustrations. C'est à partir de 1909 que les instruments deviennent omniprésents comme Violon et palette, Braque s'étant expliqué: "Leur plastique, leur volume rentraient dans le domaine de la nature morte, comme je l'entendais. Je m'étais acheminé vers l'espace tactile, manuel, comme je préfère le définir, et l'instrument de musique, en tant qu'objet, avait cette particularité qu'on pouvait l'animer en le touchant. Voilà pourquoi j'étais tellement attiré par les instruments de musique". Après le cubisme analytique, Braque, outre les instruments, a recours aux portées et partitions musicales. [...]
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