Roland Barthes a toujours, depuis Mythologies, tenté de soumettre l'image à ses analyses sémiotiques. Cette tentative a abouti au magnifique La chambre claire, où son approche subjective ne dessert en rien l'analyse, qui se fluidifie et par retournement dialectique, l'objective : ici, l'expérience personnelle de l'image décompose en détail tous les rapports de l'humain à la photographie.
Cette Note sur la photographie donne toute sa splendeur à l'exercice de l'essai, quand l'analyse et l'acte poétique se réunissent pour formuler une vérité qui se départ des contraintes formelles des deux types d'écriture. Mais là n'est pas la question, même si chez Barthes l'approche de l'écriture est d'une grande importance.
Dans les recueils de Barthes parus après sa mort prématurée, il a fallu ordonnancer, agencer des écrits conçus pour s'inscrire dans une forme différente de celle du livre : en général il s'agissait d'articles ou de préfaces. Dans L'obvie et l'obtus, il a été pris comme parti de rassembler les textes ayant rapport au thème général - mais pertinent en ce qui concerne leur auteur - de «l'écriture du visible». Il s'agit ici de se concentrer sur les articles rassemblés dans le chapitre «L'image», concernant les rapports que peuvent avoir le langage, ou plutôt son étude, en l'espèce de la sémiologie, avec l'image
[...] Car il est devenu courant de dénoter une connotation, en renversant la volonté de faire passer une connotation pour une dénotation. Phénoménologiquement, les procédés de connotation internes dénotent de cette volonté à la condition de savoir les décoder. C'est pourquoi ils sont structurellement difficiles à considérer. Viennent ensuite les procédés qui viennent se surajouter à la matière photographique : la lumière, le tirage, l'impression, le support ; ou bien la référence picturale : ces procédés ne relèvent pas de l'art, mais du sens. [...]
[...] Le message photographique Il n'est pas étonnant qu'après ces longues années passées à détailler ces mythologies, Barthes ait cherché, au sein de tous ces sens qui l'entourent, à analyser la parole qu'émettait une photographie dans le contexte de la presse. Tous les signifiants dénotés se doublent ici de procédés venant sur- imprimer un (ou plusieurs, selon la subtilité du diffuseur) sens, cette fois largement signifié par la connotation. Le message dénoté par la seule photographie étant irréfutable, puisque de l'ordre de l'analogon, les procédés de dénotation viennent subtilement préciser le signifié dans la direction voulue. [...]
[...] Cette lecture du photogramme est largement utilisée au cinéma par le photo-roman, dans l'imprimerie par la bande-dessinée. La jetée de Chris Marker renoue peut-être avec un temps de lecture plus libre de l'image, dans un jeu constant entre des sens obtus, arrêtés et ouverts et une voix off plus directrice, didactique, selon le même procédé que dans Nuit et Brouillard de Resnais. Dans ces tentatives se retrouvent sûrement aussi les filmique tel que Barthes l'aurait souhaité voir davantage, l'exigence d'un film à être littéralement scruté senti et entendu avec la plus grande concentration. [...]
[...] Barthes et le punctum dans l'image Il me semble que chez Roland Barthes, il y a un noeud d'investigation autour de ce paradoxe qu'est la photographie : elle est presque, en tant que technique, une contingence, tout comme les images qu'elle produit. Elle a un caractère insaisissable, à la fois objet, technique et peut-être signe, ou simple trace; elle échappe à la propriété, le photographié et le photographe pouvant s'en disputer la propriété. De même elle est inclassable et l'on ne peut ni définir son statut, ni son genre, et le sens de l'analyse, horizontale, verticale ou en profondeur, est en constante circulation : les photos sont des signes qui ne prennent pas bien, qui tournent, comme du lait Entre art et document, il est impossible d'y voir une distinction claire entre la sagesse d'usage et l'extase du retournement de la chose. [...]
[...] - ces nouvelles formations d'une présentation de soi par la médiatisation, analysées du point de vue de celui qui les reçoit, forcément dépositaires des connaissances nécessaires à la préhension directe ou construite du message. Même si il peut toujours le pousser plus loin, le récepteur n'étant pas limité dans le recoupement des connaissances. Des exemples concrets de construction de sens, par strates plus ou moins opaques de signifiants servent à Barthes de critique plus approfondie d'un mécanisme de dissimulation du sens construit sous l'apparence du sens donné que développe une civilisation qui glisse du message linguistique dans toutes les images qu'elle produit. [...]
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