A l'harmonieux équilibre de la Renaissance succède, dès la seconde moitié du XVIe siècle, le sentiment de l'instabilité du monde. Le baroque naît en Italie de ce vacillement de la Renaissance et se propage peu à peu à tous les pays européens. Il concerne tous les arts, l'architecture en premier lieu, mais aussi la peinture, la sculpture, la musique et la littérature. Le terme baroque provient de la joaillerie où barroco désigne en portugais une perle irrégulière, mais il ne sera utilisé qu'à partir de la fin du XVIIIe siècle dans le domaine artistique pour désigner des œuvres fondées sur l'imagination, la somptuosité et le mouvement. Les limites chronologiques du mouvement, assez floues, vont, pour certains, du maniérisme italien de la Renaissance au rococo de l'époque des Lumières. Le classicisme, lui, est un phénomène culturel français des années 1660 qui se diffuse difficilement en Europe.
[...] Les décorateurs baroques sont passés maîtres dans l'art du trompe-l'œil. A l'intérieur des édifices, ils excellent à peindre des fenêtres, des colonnes qui ont toute l'apparence de la réalité, à donner l'illusion du volume ou de la profondeur. Les auteurs dramatiques jouent avec la fiction et la réalité, en intégrant, grâce au procédé du théâtre dans le théâtre, une seconde pièce à l'intérieur de leur pièce principale. Cette floraison décorative est en liaison avec la volonté des créateurs de laisser s'exprimer leur fantaisie, de ne pas soumettre leur art à des règles, de revendiquer la pleine liberté d'expression. [...]
[...] L'homme baroque aime le concret. Il est ouvert aux sensations. Il est fasciné par l'ornement, voire la surcharge qui s'exprime en particulier dans l'hyperbole, forme d'exagération. L'homme baroque est obsédé par le mouvement, préfère la ligne courbe à la ligne droite, les sentiers sinueux aux chemins rectilignes, la périphrase qui développe au mot qui précise ; dans la Consolation à M du Périer, Malherbe, au lieu de parler de la mort de la fille de son ami, évoque Le malheur de ta fille au tombeau descendue L'homme baroque, comme Malherbe ou Théophile de Viau, a le culte du lyrisme et du pathétique qui le satisfont, parce qu'ils lui permettent d'exprimer avec force ses sensations, son individualité. [...]
[...] En Angleterre, la révolution politique et l'austérité qui l'accompagne ralentissent à la même époque son expansion. De l'Espagne et du Portugal, où il s'épanouit, le baroque gagne les colonies d'Amérique du Sud. Quant à la France, sa volonté de s'émanciper de l'influence italienne et sa tendance au rationalisme la conduisent à imaginer une voie originale où le baroque, sans jamais disparaître complètement, se marie avec l'exigence d'ordre et de mesure qui caractérise le classicisme. Théâtralité et mouvement L'art baroque déploie toute sa splendeur dans les églises : la mise en scène de la foi réclame une ornementation toujours plus riche, une dramaturgie toujours plus spectaculaire. [...]
[...] Tout change. Tout bouge. Le mouvement est roi : il triomphe dans les réalisations de l'architecte italien Bernin (1598- 1680) ; il marque la musique de Monteverdi (1567-1643) aux multiples arabesques ; il est présent dans le déchaînement des récits de combats de L'Astrée d'Honoré d'Urfé. Le goût pour le provisoire Cette conception détermine les goûts de l'homme baroque. Il est attiré par l'eau, image même de l'écoulement, de l'insaisissable, ou par le feu aux formes étranges et éphémères. Il aime se déguiser, se travestir : la tragi-comédie de l'époque utilise fréquemment ce jeu du déguisement qui, par convention, assure le complet incognito à celui qui s'y livre, le transforme fondamentalement. [...]
[...] Il en est de même pour les personnages de la première partie de la carrière théâtrale de Corneille : dans Le Cid (1637), par exemple, Rodrigue peut choisir, en connaissance de cause, entre l'honneur de sa famille et son amour pour Chimène. Une ouverture sur l'extérieur L'homme baroque refuse de se laisser dominer par les événements. Il ne veut pas non plus être la propre cause de son aliénation. Il n'est donc pas de ceux qui s'enferment à l'intérieur d'eux-mêmes. Au contraire, il aspire à s'emparer de toutes les expériences qui s'offrent à lui. Il est avant tout homme d'action. [...]
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