Balthus reste certainement le moins connu des grands peintres vivants. Ce n'est ni un hasard ni une négligence, mais l'artiste lui-même qui est à l'origine de cette situation. Dès ces débuts, Balthus a suivi une voie solitaire, à contre courant, et ses tableaux n'ont été appréciés que d'un petit nombre d'amateurs, parmi les plus influents il est vrai. A mesure que sa réputation s'affermissait, l'artiste se montrait de moins en moins enclin à parler de son oeuvre (...)
[...] Après le départ de Balthus de la Villa Medicis, cette préséance accordée aux qualités purement picturales a conduit progressivement à l'exclusion du contenu. Le chat au miroir (1977-1980), par exemple, est un divertissement remarquable de virtuosité ; mais tandis qu'il charme l'œil, il n'offre rien à l'esprit. Quelques tableaux plus récents donnent aussi l'impression d'avoir subi un processus volontairement archaïsant, si bien que leurs pigments mats et granuleux fait penser à quelques fresques miraculeusement préservée dans sa fraîcheur originale. De plus en plus, un certain maniérisme s'installe dans les compositions. [...]
[...] Camus a noté ce pouvoir de fixation magique inhérent à la grande peinture et singulièrement à celle de Balthus qui nous donne l'impression de contempler à travers une glace des personnages qu'une sorte d'enchantement a pétrifiés, non pas pour toujours, mais pendant un cinquième de seconde, après lequel le mouvement reprendra La fin des années trente et les années quarante ont été consacrées surtout à des portraits et de magnifiques tableaux de personnages. Ceux-ci représentent presqu'exclusivement des jeunes filles dans des attitudes provocantes, rêvant ou lisant. L'atmosphère est lourde de sexualité imaginée, ou remémorée, et captée dans des intérieurs que l'artiste construit en de riches ensembles de tons froids et chauds, tel le vert froid du velours et les flammes rouges-jaunes dans le tableau Les beaux jours un contraste qui se répète sur la peau couleur ivoire de la jeune fille et le dos empourpré du garçon. [...]
[...] On peut donc supposer qu'à son retour à Paris à l'âge de 16 ans, après un séjour prolongé à Berlin, Balthus était particulièrement bien rompu aux usages du monde et surtout du monde des artistes. C'est à cette même époque qu'il s'émerveille pour tout ce qui se rapporte à l'Extrême-Orient. Balthus illustre les vieux romans chinois en reconstituant avec soin l'atmosphère et le décor. Dans sa curiosité multiple, il a trouvé le continent de son choix , le fabuleux empire céleste où il se transfère en pensée et qu'il rêve de sauver de la contamination occidentale. [...]
[...] Balthus quitta le Morvan pour prendre son poste de directeur de l'Académie de France à Rome en 1961. Il assuma les devoirs de cette charge prestigieuse pendant une quinzaine d'années, supervisant également la restauration des fresques de la Villa Medicis. Le nombre de ses tableaux diminua sensiblement pendant cette période, l'exécution, toujours lente, prenant alors souvent plusieurs années. La maîtrise technique des oeuvres est indéniable, et la plupart exercent un profond attrait esthétique. Mais il n'y a plus que l'esthétique. [...]
[...] L'été suivant, Balthus entreprend un voyage en Italie, à Florence, où il réalise six copies des fresques de Pierro della Francesca à Arrezzo. C'est au cours de ce voyage initiatique qu'il rencontre à Sienne un étudiant chinois passionné par les rapports indéniables entre la peinture de son pays et celle du trecento toscan. On trouve en Chine, lui dit-il, représentés aussi par les peintres, des collines lunaires exactement semblables à celles qui s'élèvent autour de Sienne et dont se voit le moutonnement sur les fresques qu'ils regardent ensemble. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture