Commentaire de tableau consacré au "Balcon" d'Edouard Manet exposé au musée d'Orsay à Paris. Il donne lieu à une description minutieuse de la toile replacée dans son contexte de création par rapport à la vie et à l'entourage de l'artiste, ainsi que de sa réception par la critique de l'époque, et à son interprétation
[...] Le noir, lui, semble aspirer les formes, comme celle du corps de l'homme, lequel se confond par cette même couleur, dans l'ombre de la pièce. Il permet également de dégager les personnages de toute situation précise, en évoquant clairement aucun lieu, mais en en conservant cependant le souvenir avec la silhouette de Léon Koella-Leenhoff. Le blanc, quant à lui, marque un fort contraste avec l'obscurité régnant à l'intérieur, mais il souligne également la vision de plein air, étant une couleur qui attire la lumière, cette dernière se réverbère sur les robes des jeunes femmes, témoin de la présence du soleil et donc de la lumière du jour en dehors du cadre. [...]
[...] Comme l'écume de la grève, Ta robe flotte dans les vents.» En effet, malgré l'atténuation des contours et des formes des personnages due à la recherche de la vision extérieure du peintre, le spectateur ne peut s'empêcher d'être captivé par le regard mystérieux de la jeune femme, absorbée dans la contemplation d'une chose qui nous est impossible d'identifier. Elle semble par cette expression à la fois rêveuse et sérieuse, scruter l'au-delà. Elle est impossible à cerner et donne l'impression que, tout en se pliant à la volonté du peintre, lasse de ces trop nombreuses heures de pose, elle laisse, malgré elle, vagabonder son esprit, ce qui rajoute au mystère et à l'ambiguïté de ce tableau. [...]
[...] Pour cela, il s'inspira directement des Majas au balcon de Goya (1746-1828). Le tableau fut accepté au Salon de 1869 et ne connut une aussi violente critique que pour Le déjeuner sur l'herbe, la critique de cette époque ne voyant dans cette toile que le témoignage d'une mauvaise maîtrise de la peinture par Manet, Théophile Gautier allant jusqu'à dire que Manet pourrait être un bon peintre s'il s'en donnait la peine Manet conserva ce tableau dans son atelier jusqu'à sa mort, puis celui-ci fut acheté par Caillebotte, lors de la vente après décès en 1884, et constitua l'une des plus importantes pièces du legs du peintre en 1894. [...]
[...] C'est donc dans cette recherche du contraste entre la lumière de plein air et l'obscurité de l'intérieur, où se résorbent les formes, que résident en grande partie l'intérêt de cette œuvre, car il s'agit bien d'une découverte esthétique allant à l'encontre de la tradition académique. Cela nous apparaît spécialement au niveau des visages des personnages qui nous apparaissent sans relief et sans perspective en raison de la non- utilisation du clair-obscur. C'est ainsi que le nez de Fanny se trouve presque effacé, ses yeux et ses cheveux indistincts, ne laissant apparaître que le blanc des fleurs qui composent sa coiffure. Elle semble alors rejetée dans un flou total. [...]
[...] Le chien et le cache-pot bleu entraînent également le regard hors du cadre. Mais cette distraction du regard de l'observateur par des éléments anodins permet à l'artiste d'attirer son attention non plus sur la réalité de ces objets, mais sur leur apparence plastique. C'est ainsi que nous pouvons dire que la peinture et le traitement de la scène constituent les véritables sujets de cette œuvre. Mais si elle s'oppose aux traditions académiques, c'est que Manet procède à une grande innovation dans ce domaine. [...]
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