« Lorsque l'on dit « je veux, « j'aime », « je désire », tout cela est fabriqué par les modèles que l'on nous a présentés. Je crois que cela se lit dans tout mon travail, de 1964 à aujourd'hui » Orlan. Avec l'œuvre d'Orlan, la suprématie de l'esprit s'anéantie et le corps regagne sa place principale et dans l'œuvre et dans la fabrication de soi par défiguration ou reconfiguration. Longtemps refoulées par les philosophes du XVIIIème siècle, Nietzsche exclamait les vertus du corps et s'attaquait à sa dépréciation. A la recherche du Surhomme, il refuse l'existence d'une pensée universelle et par conséquent, il ne pourrait y avoir une pensée indépendante du corps ; c'est bien ce qu'exprime la préface d'Ainsi Parlait Zarathoustra, « Un livre pour tous, un livre pour personnes ». Par ce biais, dans Le Baiser de l'artiste, Orlan réintroduit le corps dans la scène de l'artiste, rejetant dès lors les stigmates universels que la société projette sur le corps, et exclame les différentes versions de ce dernier. Il s'agit donc d'une logique nietzschéenne ; la recherche du dépassement personnel motivée par le corps, soit le fait d'aller au-delà de soi-même, et le refus de fuir à soi-même, c'est-à-dire se projeter loin de soi. En ce sens, l'on retrouve la reconfiguration du corps, qui participe maintenant à l'œuvre, et ne représente pas, malgré la conceptualisation en autoportrait, l'identité d'Orlan mais celle d'une « femme, faite de toutes les femmes qui les vaut tous et qui vaut n'importe qui » (Les Mots, Sartre). Le mouvement, incarné dans Le Manifeste de l'art charnel, se reproduit à l'infini lorsqu' Orlan accouche d'elle-même.
[...] Pour reprendre l'idée du Surhomme de Nietzsche, l'homme ne peut être un seul s'il cherche à se dépasser. À l'inverse, l'unité et l'uniformité n'engendrent que des derniers hommes Orlan s'attaque par conséquent à l'hypocrisie qui nie le corps et le stigmatise selon les dimensions du Bien et du Mal. Le Baiser de l'artiste façonne une multitude de représentations de la femme et transgresse ainsi la frontière dite limpide de l'identité et propose une autre idée du beau. [...]
[...] L'œuvre oscille donc entre le virtuel el réel ; soit la photographie se substitue au corps même, ou bien c'est le corps même qui s'exhibe derrière la photographie. La bouche de Madone ou de la Putain sont alors les donneuses, respectivement, d'hosties ou de baiser. Par conséquent, la femme dans sa conception romantique, celle qui octroie un baiser divin et inaccessible, se confond au moyen d'une pièce de cinq francs, avec une putain qui offre son baiser éphémère. Se déclenche ainsi un travail identitaire, si l'œuvre est conçue en tant qu'un autoportrait, qui néglige la quête de soi. [...]
[...] Je crois que cela se lit dans tout mon travail, de 1964 à aujourd'hui Orlan. Avec l'œuvre d'Orlan, la suprématie de l'esprit s'anéantit et le corps regagne sa place principale et dans l'œuvre et dans la fabrication de soi par défiguration ou reconfiguration. Longtemps refoulées par les philosophes du XVIIIe siècle, Nietzsche exclamait les vertus du corps et s'attaquait à sa dépréciation. À la recherche du Surhomme, il refuse l'existence d'une pensée universelle et par conséquent, il ne pourrait y avoir une pensée indépendante du corps ; c'est bien ce qu'exprime la préface d'Ainsi Parlait Zarathoustra, Un livre pour tous, un livre pour personne». [...]
[...] Dès lors, le corps devient indissociable de la pensée. Par ce biais, libre dans sa pensée, à en croire Baruch Spinoza, l'artiste derrière et dans l'œuvre revendique le droit à disposer de son corps comme elle l'entend, tout en s'interrogeant sur la nature de l'œuvre et la structure du marché artistique L'artiste refuse à peindre derrière l'œuvre, et ainsi, déguisé en une femme à plusieurs façades, Orlan réalise un constant va-et-vient entre les sphères du réel et du virtuel, de l'œuvre et du corps, des tabous et des normes, du sacré et du profane. [...]
[...] Le corps et sa matérialité Le corps virtuel Née le 30 mai 1947, artiste plasticienne française, Orlan expose en 1977 une sculpture qu'elle nomme Le Baiser de l'artiste. Sur un piédestal trônent deux photographies de taille humaine. La première, contigüe à la seconde, expose l'Orlan en vierge baroque à la Bernin. La deuxième énonce le tronc nu de l'artiste qui n'est alors représentée que sur dimension virtuelle. Les deux images font appel aux stigmates que l'on se fait d'une Madone et d'une putain. [...]
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