À l'époque du « triumvirat », Auguste se voit dédier d'innombrables statues le représentant à l'image d'un dieu ou d'un héros que l'on appelait « statues achilléennes ».
Mais Auguste n'est pas le seul à succomber à ce plaisir de la représentation : Marc-Antoine (son grand rival) et Lépide, qui forment avec lui le triumvirat, y prennent aussi goût. La tête de ces statues est figurée en mouvement et le portrait présente des caractéristiques reconnaissables comme des cheveux dont les mèches sur le front dessinent une « fourchette » et une « tenaille ».
Les statues de cette époque n'ont pas été retrouvées mais elles sont connues pour avoir été représentées sur des pièces de monnaie afin que ceux qui ne pouvaient se rendre à Rome puissent les contempler. De même, de nombreuses copies en marbre de ces statues achilléennes ont été envoyées aux frontières de l'Empire.
[...] La cuirasse que porte Auguste se lit de manière circulaire. Y figure au centre, une scène importante à relier avec le message politique de l'œuvre de Prima Porta. En effet, au centre de la cuirasse, se tiennent deux hommes, minutieusement sculptés. Tous deux réfèrent à l'épisode militaire important de 20 av JC : la restitution des enseignes romaines par les Parthes en 20 avant JC. La défaite de Carrhae en 53 avant JC avait laissé des traces profondes dans l'orgueil romain : non seulement le brillant triumvir Crassus y avait laissé la vie, mais surtout, les enseignes romaines avaient été confisquées par l'ennemi. [...]
[...] Le but est d'inscrire cet épisode dans un contexte intemporel, éternel. Lever de soleil exceptionnel donc, sur une journée immortelle : unité temporelle équivaut ainsi à unité d'action.Un point important est ici à dégager : la victoire diplomatique d'Auguste en 20 av JC n'est pas due aux dieux romains : Auguste est l'unique responsable. Il est admiré et contemplé par les dieux. Ils sont son public. Tous ces évènements se retrouvent cités dans le Carmen Saeculare d'Horace. Ainsi, le retour des aigles coïncide avec le retour de la paix et de la gloire impériale : Soleil, dont la féconde ardeur Dispense et ravit la lumière, Toujours nouveau, toujours égal en ta splendeur, Puisses-tu durant ta carrière Ne rien voir qui de Rome éclipse la grandeur Donne, ô Déesse féconde, Des défenseurs à l'Etat ; Que ta volonté seconde Les saintes lois du Sénat ; Que les citoyens dociles, De l'hymen serrant les noeuds, Fassent bientôt dans nos villes Renaître un peuple nombreux Qu'il ne s'agisse pas d'une victoire militaire obtenue par le sang n'a guère d'importance, au contraire même : le charisme d'Auguste semble tel, à ce point de l'Histoire, que sa seule existence parvient à obtenir la paix. [...]
[...] Les deux statues se ressemblent beaucoup, à ceci près que Auguste ne garde du Doryphore que sa posture noble. En effet, la nudité héroïque est une convention de l'art grec. L'Auguste de Prima Porta ne la retient que pour les pieds du princeps. Ainsi, la stature est bien celle d'un homme et non celle d'un dieu. Les plis sont ceux d'une étoffe réelle et chaude : le paludamentum de l'Imperator et non le vêtement d'une divinité issue du panthéon romain. Cette statue le glorifie donc sans le diviniser. [...]
[...] Notons avant tout la présence d'un Éros chevauchant un dauphin, aux pieds d'Auguste. Celui-ci évoque sans aucun doute l'ascendance divine à laquelle Auguste est lié grâce à son adoption par César. En effet, Éros n'est autre que le fils de la déesse Vénus, dont son autre fils (Énée, humain), né de son union avec Anchise, est à l'origine des gens Iulia. Mais ce symbole va plus loin encore. La cuirasse du princeps, en effet, se lit de manière circulaire : de la même façon que se lit un bouclier. [...]
[...] Sur la cuirasse, nous notons également la présence d'autres divinités. À commencer par l'Aurore et la Nuit, toutes deux sculptées en haut de la cuirasse et encadrées de manière symétrique par un char où trône le Soleil (autre symbole oriental qu'Auguste s'accapare en même temps qu'il récupère les enseignes romaines). L'aurore, tenant une cruche remplie de l'eau de la rosée annonce le jour qui se lève tandis que la Nuit, une torche à la main et son voile gonflé par le vent contemplent la scène historique qui est en train de se dérouler sous ses yeux. [...]
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