Force est de constater que la société contemporaine entretient une relation ambigüe à l'argent, et ce plus particulièrement dans le champ artistique qui en exploite les controverses avec plus ou moins de provocation. En effet, le pécule, devenu la base même de nos systèmes économiques qui, dans une veine capitaliste, cherchent toujours le meilleur rendement, intrigue toujours fortement.
Et pourtant, dans un monde en pleine crise économique, il n'en reste pas moins aussi tabou dans l'art; l'évocation des prix exorbitants atteints par certaines œuvres choquant alors de par leur superficialité.
[...] En 1918, Cocteau publie Le coq et l'arlequin qui n'est autre qu'une sorte de pamphlet réflexif contre l'impressionnisme dans lequel il affirme avec conviction la nouvelle simplicité artistique de créateurs tels que Picasso, Satie et Léger. C'est pourquoi il écrit en première page et en majuscules, un jeune homme ne doit pas acheter de valeurs sures[12], phrase par laquelle il incite la jeunesse à délaisser les investissements de pères de famille pour miser sur des valeurs plus risquées qui peuvent néanmoins rapporter gros avec le temps. [...]
[...] Pour cela, il fonde alors une analyse comparative de l'évolution que connaissent ces deux domaines à l'époque, en entremêlant notamment des termes purement économiques au vaste champ impressionniste. Il insiste ainsi sur le fait que l'année 1874 marque un véritable tournant dans le marché de l'art pour plusieurs raisons. Outre la retentissante exhibition publique du tableau Impression, soleil levant qui permit de nommer la mouvance dite impressionniste, c'est en effet aussi l'année durant laquelle fut paru l'ouvrage de Léon Walras, Éléments d'économie politique pure, qui n'est autre que le fondement même de l'économie moderne. [...]
[...] Or cette recherche du profit qu'impliquent la promotion et le marketing peut freiner les musées dans leur désir de monter des expositions de qualité. Ainsi, Cattelan, bien qu'ayant compris l'utilité de ce type de stratégies, ne peut que dénoncer au moyen de Project n°65 leur utilisation non judicieuse dans le champ muséal, ce qui détournerait alors les établissements de leur fonction originelle et le public de la réalité artistique. Ainsi, en voulant s'ouvrir à un public plus large par le biais de stratégies promotionnelles et commerciales qui transforment les lieux de présentation artistique en attractions, les musées sont parfois à l'origine d'une vision de l'art réductrice ou faussée chez des visiteurs qui ne possèdent pas les notions nécessaires à sa bonne compréhension. [...]
[...] En ce sens, alors que l'art impressionniste a d'abord fait fuir les investissements, il est devenu, au temps du développement des banques, du crédit et des réclames des grands magasins, l'objet de spéculations et de surenchères, comme s'il existait une correspondance, voire un jeu de cause à effet, entre cette esthétique déroutante et purement instantanée et la liberté retrouvée de sa valeur financière au sein d'une économie dite pure de par la notion d'équilibre instantané qui y prime. La progressive autonomie capitaliste constitue ainsi un exemple à suivre par le domaine de l'art ; le musée et la Bourse permettant tous deux de produire le valeur des objets et induit une certaine mise à distance de leurs conditions de production avec leur réception pour mieux les replacer ensuite dans un contexte concurrentiel. [...]
[...] En tant que véritable icône populaire gage de succès pour tout ce qui se rapporte à son nom et objet d'un marketing intensif, Picasso était de ce fait la personnalité artistique la plus significative pour une telle utilisation dans un cadre promotionnel ambigu. J'ai fait une caricature de Picasso à la manière de Walt Disney : shirt rayé et sandales. Un acteur portant un masque de Picasso sur la tête et cette panoplie accueille le public à l'entrée. La plus incroyable chose est que le MoMA accepta ce projet malgré moi, montrant la dérive des musées américains concernant le marketing excessif. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture