Angelo Bronzino naît en 1503 à Florence et y décède en 1572, il est l'élève de Girolamo Genga et s'inscrit dans la tradition du maniérisme italien s'étendant de 1520 à 1580, offrant une transition entre la Renaissance et le Baroque. Il se définit comme un art riche en symbole, un art de cour s'adressant à des lettrés, une recherche de mouvement dans la tension des corps s'intégrant dans un espace souvent défini, un quête de raffinement, d'élégance et de surprise. En 1550 Bronzino peint Le Portrait d'Andréa Doria en Neptune qu'il termine en 1555. L'œuvre est une huile sur toile conservée actuellement à la Pinacothèque de Brera à Milan, pour une dimension de 115 centimètres sur 53 centimètres. Nous verrons en quoi malgré le sujet mythologique qu'offre la représentation du personnage en Neptune, le tableau peut être interprété de manière politique.
Le tableau rectangulaire de taille moyenne offre une touche soignée, les contours du corps sont marqués et nous renvoient à la netteté des détails de l'art maniériste. La lumière qui éclaire la partie gauche du torse du personnage ne fait qu'accentuer cette impression, qui laisse apercevoir la musculature que les jeux d'ombre et lumière soulignent. La facture est lisse et ne montre pas d'empattement de peinture.
Andréa Doria se trouve en plein centre de la composition, débout et l'incliné vers sa gauche montrant une légère torsion du corps typiquement maniériste. Bronzino peint son visage, son torse et laisse apercevoir son sexe, caché derrière un tissu partant du haut du coté gauche de l'huile sur toile qu'il soutient de sa main gauche. Avec sa main droite il tient un trident habituellement attribué à Neptune. Le visage de ce dernier tourné vers sa gauche et regardant légèrement vers le bas, semble ignorer le spectateur qui placé plus bas que le personnage représenté en hauteur, ressent l'impression de puissance se dégageant de cet homme. L'expression du personnage est neutre, il semble observer quelque chose hors du champ représenté mais rien ne nous renseigne quant à ce que cela lui inspire. Le regard est sombre et soutenu, ce qui donne un ton solennel au tableau. La barbe rappelle les représentations courante de Neptune. Les traits détendus du visage ainsi que le gris de la barbe montrent un homme d'un certain âge. La gestuelle délicate rappelle le maniérisme présent dans la production de Bronzino.
[...] L'œuvre montre un autre aspect de la peinture de Bronzino en construisant un décor tout aussi irréel que les corps, avec notamment la présence d'un ange dans le fond gauche du tableau. L'œuvre a pour sujet la résurrection du Christ et sa rencontre avec Marie Madeleine. Ce type de thème invitant au doute, rappelle le trouble de la fin de la domination florentine des Médicis. Noli me Tangere doit il être lu de la même manière que le Portrait d'Andréa Doria qui nous conduit à une réflexion politique ? Cette question est accentuée par le lien existant entre le pouvoir en place et Bronzino. [...]
[...] Une proue en bois à la droite d'Andréa Doria porte l'inscription A. Doria qui outre le titre du tableau ne laisse pas de doute quant à l'identité de la personne représentée. Le décor se construit dans des dégradés de bruns unifiant l'homme représenté avec le fond de l'œuvre. Le fond central d'un brun très foncé, presque noir fait ressortir le visage du personnage offrant un contraste avec la luminosité plus importante immanente de celui- ci. Les parties les plus contrastées montrent le support du tableau, la toile, que le travail du peintre ne dissimule pas. [...]
[...] En conclusion, Angelo Bronzino s'inscrit parfaitement dans l'art de son époque. Son art offre une grande gamme de lectures, construites autour de corps en tension, une perpétuelle recherche de raffinement propre à l'esthétique maniériste. Dans l'œuvre traitée, la dimension politique supplante la dimension purement mythologique du thème de Neptune. C'est avant tout une façon de sublimer Andréa Doria et la puissance maritime de sa flotte, ainsi que par lien le pouvoir toujours en place depuis son intervention libératrice. C'est un art au service du prince qu'il se doit de venter par le choix des thèmes et des gammes de représentation. [...]
[...] Le spectateur se doit d'atteindre une toute autre dimension dans l'œuvre, une dimension politique où réalité et mythologie se rejoignent pour la gloire du pouvoir en place plus que pour celle d'Andréa Doria ou de Neptune. Bibliographie - ARASSE Daniel, Génies de la Renaissance Italienne, Paris, France-Empire - PILLIOD Elizabeth, Pontormo, Bronzino, and Allori: A Genealogy of Florentine Art, Salem, Yale University Press - Dir. STREHLKE Carl Brandon, Pontormo, Bronzino, and the Medici: The Transformation of the Renaissance Portrait in Florence, Philadelphie, Pennsylvania State University Press, 2004. [...]
[...] Comme le souligne Daniel Arasse dans son ouvrage Génies de la Renaissance Italienne paru en 1980, le maniérisme n'est pas seulement un art sophistiqué, mais aussi l'art du prince et du pouvoir princier. Ainsi pour parler plus globalement du travail de Bronzino, comme dans le courant où il s'inscrit, nous ne pouvons limiter la portée de l'œuvre à un art à l'esthétique plaisante et parfaite, mais à une arme pour le pouvoir. D'ailleurs en 1545 en peignant le Portrait d'Éléonore de Tolède et de son fils Jean, le message politique est très fort. [...]
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