Ce tableau, de 1930, a été peint par René Magritte. C'est une huile sur toile de 81x60 cm qui a pour titre La Clef des songes. Il est conservé dans une collection particulière à Paris.
Nous pouvons observer six cadres, identiques au niveau de leur taille (moyenne) et de leur couleur (marron) qui se répartissent de façon symétrique, trois à droite et trois à gauche. Ces six cadres prennent place dans un cadre plus grand, de couleur bois clair*. Un effet de profondeur donne l'impression que ces six cadres sont insérés dans ce cadre plus grand, comme s'ils étaient les six carreaux d'une fenêtre.
A l'intérieur de chaque cadre sont peints des objets qui portent tous un titre différent, écrit de manière scolaire, situé en dessous et de couleur beige. Ces six objets, tout comme les titres qui les nomment, sont centrés et, malgré leur variété, on observe une relative similitude au niveau de leur taille. En outre, ils sont représentés de façon réaliste, académique pourrait-on dire, et bénéficient tous d'un effet d'ombre, comme si un rayon de soleil d'une inclinaison de 45° et venant d'en haut à gauche les frappait, ce qui renforce leur réalisme.
Dans le premier de ces cadres, en haut à gauche, un œuf tout blanc a pour titre l'Acacia. En dessous, un chapeau melon noir est nommé la Neige. Dans le troisième cadre, un verre vide, peint avec de nombreux effets de lumière et de transparence, s'appelle l'Orage. En haut à droite, une chaussure de femme, noire et à talon, est titrée la Lune. En dessous, une bougie blanche, allumée et presque entièrement consumée, se dénomme le Plafond. Enfin, dans le sixième cadre, en bas à droite, est représenté un marteau ayant pour titre le Désert. Ces objets sont peints comme s'ils étaient hors de leur contexte d'utilisation habituelle : le marteau ne tape sur rien, la bougie n'éclaire rien, le chapeau ne repose sur la tête de personne etc. Cette décontextualisation, bien qu'elle n'enlève rien au réalisme des objets, provoque un sentiment de trouble, de surprise. Celui-ci est accentué par le fait qu'aucun titre ne correspond à l'objet qu'il désigne. La signature de Magritte, noire, se situe en bas à droite.
[...] En haut à droite, une chaussure de femme, noire et à talon, est titrée la Lune. En dessous, une bougie blanche, allumée et presque entièrement consumée, se dénomme le Plafond. Enfin, dans le sixième cadre, en bas à droite, est représenté un marteau ayant pour titre le Désert. Ces objets sont peints comme s'ils étaient hors de leur contexte d'utilisation habituelle : le marteau ne tape sur rien, la bougie n'éclaire rien, le chapeau ne repose sur la tête de personne etc. [...]
[...] Marcel Paquet résume d'ailleurs très bien son œuvre en déclarant que celle-ci est ( ) une œuvre pour philosophes ou en tout cas pour amateurs de philosophie : chez Magritte, le choc poétique où si l'on préfère l'émotion esthétique provoquée par l'image peinte est toujours inséparable d'un plaisir réflexif, d'une jubilation de la pensée contrainte de s'activer[3] III) L'analyse En portant notre regard sur La Clef des songes, nous ne pouvons qu'être surpris. Surpris d'abord par la banalité des objets représentés. Surpris ensuite par les titres de ces objets qui n'entretiennent aucun rapport avec ce qu'ils désignent. Nous sommes en droit de nous poser cette question (que Pierre Sterckx se pose à propos des objets que Magritte peint) : Souhaite-t-il élever leur niveau de réalité, les arracher à une indifférence que l'habitude de leur usage leur aurait imposée[4] ? [...]
[...] Le rapport au titre du tableau est également surprenant. Comment, en effet, relier le titre au tableau qu'il nomme ? On sait que Magritte réunissait ses amis poètes (Nougé, Scutenaire, Goemans, Lecomte et Breton lui-même) autour de ses créations afin de se mettre d'accord sur un titre qui n'était définitif qu'après de longues délibérations. Le tableau et le titre entretiennent donc un rapport : Le titre surréaliste hérité de De Chirico (Peintre dont il revendiquera l'influence. Il déclara même, après avoir vu une toile de celui-ci intitulée Le Chant de l'amour qu'il avait rencontré la pensée doit composer énigmatiquement avec l'image, sans l'expliquer, ni l'alourdir[5] Dans ce cas présent, ces objets bizarrement nommés sont mêlés au rêve, comme si celui-ci pouvait nous délivrer de nos habitudes. [...]
[...] Je ne peux travailler que dans la lucidité[6] Cette Clef des songes est donc plus une déstabilisation de la réalité qu'une incursion profonde dans le monde du rêve. Une telle présentation d'objets, à la manière d'une page de manuel scolaire, veut amener le spectateur à réfléchir sur ses habitudes de langage en lui exposant la facticité des apparences. Facticité des apparences, qui traverse toute l'œuvre de Magritte comme le montre la toile Les Amants (représentant un homme et une femme recouverts chacun d'un voile blanc), datant de 1928, qui est une belle métaphore : sur l'amour qui rend aveugle, d'une part, et sur le fait qu'on ne peut que le ressentir et pas le voir, d'autre part. [...]
[...] Comment ne pas voir dans cette phrase le principal objectif de la peinture de Magritte ? Celui qui, par la représentation d'analogies inattendues, nous donne à voir le mystère par le biais de la pensée. Sa peinture est une revanche contre le dogmatisme de la toute-puissance des mots et des images. Par le mystère, la poésie, la sensation et la pensée, les toiles de Magritte vont à l'encontre des aveugles puissances de la technique, des certitudes les plus acquises et des dogmatismes en tous genres. [...]
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