[...] Plotin n'a rien publié de son vivant, et son oeuvre tient à la collection, par ses disciples, de son enseignement.
L'oeuvre de Plotin, est donc constituée par un certain nombre de traités (54 exactement), écrits en grec, et portant sur divers sujets : depuis les traités de métaphysique (Du Bien ou de l'Un, pour le traité n°9, De l'essence de l'âme) en passant par les traités d'éthique (Des vertus, du Bonheur, Le bonheur s'accroit-il avec le temps ?), jusqu'aux traités portant sur la cosmologie ou relevant de questions physiques (par exemple : Du monde ou du ciel, Du mouvement des astres ou mouvement circulaire, De l'influence des astres, ou : Pourquoi les objets vus de loin paraissent-ils petits ?) voire sur les mathématiques (Des nombres).
Ces traités, que la recherche savante désigne de plus en plus comme tels (sous l'appellation de Traités numérotés), ont longtemps porté le nom des Ennéades (par référence au nombre 9, lequel se dit en grec « ennéa »), ayant été rassemblés et publiés, après la mort de Plotin, par Porphyre, en six Ennéades, chaque Ennéade étant constituée de 9 Traités, par référence aux 9 muses.
[...] Avant de nous pencher plus précisément sur le fameux traité du Beau, on peut caractériser sa philosophie à travers quatre idées directrices, qui témoignent en même temps de sa rupture avec la philosophie hellénique, et par conséquent de sa véritable originalité. Nous avons d'ailleurs pu en avoir un avant goût à travers le passage du traité des Nombres cité précédemment.
1. Transcendance absolue du Premier Principe, inaccessible à toute expérience sensible, comme aussi à toute détermination par l'intellect.
2. Corollairement, caractère Ineffable de ce Premier Principe : dès lors le discours humain, ne pouvant rien en dire, ne peut en parler que négativement, ainsi ce Premier Principe, source de tout étant (tel ou tel être), n'est lui-même pas un étant.
[...] 2. La beauté intelligible (5° Ennéade, 8)
Ce traité de Plotin va peut-être encore plus loin que le précédent dans la mesure où il va montrer, en quelque sorte contre Platon, que l'oeuvre d'art n'est pas imitation du sensible, mais dévoilement de l'essence, plus immédiat et plus fondamental que toute manifestation sensible. Ainsi Phidias n'a-t-il pas, je cite : « sculpté son Zeus d'après un modèle sensible ; il l'a imaginé tel qu'il serait, s'il consentait à paraître à nos regards » (5° Ennéade, 8, 1, l.38). Ici le mouvement de remontée vers l'origine saute par-dessus l'étape de la
nature : l'oeuvre d'art échappe, avant la lettre, à toute considération esthétique. (...)
[...] Mais il est en même temps ce qui se donne et se répand, ce qui, sans être forme soi-même, donne forme à ce qui n'en a pas. Composition, harmonie, proportion, forme : toutes les définitions classiques du beau reparaissent, mais replacées à leur vraie place, comme autant d'arrêts arbitraires dans le mouvement immobile de l'Un. Conclusion L'analyse de la beauté de l'œuvre d'art conduit donc Plotin à situer l'origine du beau toujours plus près de l'origine absolue, qui est l'Un. La beauté est l'éclat fulgurant de l'Un, tel que la procession le révèle. L'Un peut être alors dit beau d'une beauté éminente. [...]
[...] Nous avons d'ailleurs pu en avoir un avant goût à travers le passage du traité des Nombres cité précédemment Transcendance absolue du Premier Principe, inaccessible à toute expérience sensible, comme aussi à toute détermination par l'intellect Corollairement, caractère Ineffable de ce Premier Principe : dès lors le discours humain, ne pouvant rien en dire, ne peut en parler que négativement, ainsi ce Premier Principe, source de tout étant (tel ou tel être), n'est lui-même pas un étant Renversement de sens et de valeur de la notion d'infini Tandis que dans la tradition grecque antérieure l'Etre est d'autant plus parfait qu'il est plus déterminé, l'infini, qui est ce à quoi on peut toujours ajouter quelque chose, est donc le signe du manque et de l'incomplétude, Plotin, lui, découvre que l'infini n'est pas partout méprisable 4,3,l.1), en effet, le Premier Principe, par opposition aux essences finies qui en dérivent, n'a pas de limites ni de déterminations assignables, il est donc à proprement parler in-fini Le salut de l'âme n'est plus dans l'affermissement de la personnalité, mais dans sa dissolution dans le tout. Le salut ne vient pas de la prise de conscience théorique de la nature de l'homme et de sa place dans l'univers, mais au contraire de l'effacement de la différence entre l'individu et le tout. C'est à travers ces caractéristiques qu'on a pu reconnaître dans la philosophie de Plotin un mysticisme, s'opposant au rationalisme hellénique. Allons un peu plus avant dans caractérisation de la philosophie de Plotin. [...]
[...] Or le sentiment implique la distance, il est nostalgie et désir de ce que l'on n'a pas ou n'est pas. Le beau est donc plutôt à chercher au niveau de l'intelligence, qui ne sent pas le beau, mais qui l'est pardessus tout l'éclat de l'Intelligence qui est d'essence divine Peut-on faire un pas de plus et assimiler alors le Beau à l'Un ? (on avait vu plus haut que le beau conférait l'unité à la grandeur ; or si le beau peut aider à donner l'unité, il n'est pas l'un pour autant). [...]
[...] l'idée du lit, dont le lit n'est qu'une copie, ce qui permet à Platon, on l'a vu, de critiquer les imitations de l'art comme étant, souvent, de moindres copies le plus Mais on sait par Aristote que Platon s'était aussi posé la question de savoir comment les Idées elles-mêmes sont engendrées. Ainsi Platon découvrait-il qu'il fallait poser deux principes dont l'action antagoniste et complémentaire donnait naissance aux Nombres idéaux, d'abord, aux Idées ensuite : un principe formel d'unité et de détermination, que Platon nommait l'Un, et un principe matériel, dénommé Dyade indéfinie du Grand et du Petit. [...]
[...] Ainsi, je cite : Loin de nous, prévient Plotin, l'idée d'une genèse dans le temps lorsque nous raisonnons des choses qui existent de toute éternité ; si l'on emploie des mots qui semblent impliquer genèse, c'est seulement pour rendre compte de leur causalité et de leur ordre. »(Enn.5,1,6,l.19). Il reste que la procession ne peut être ramenée, comme ce sera le cas chez Spinoza, à un rapport de déduction logique unissant le principe à la série de ses dérivés. C'est pourquoi on comprend peut-être le mieux ce que veut dire Plotin à travers cette image, fréquemment utilisée, de rayonnement, ou de l'illumination, qui évoque à la fois l'infinité de la puissance et l'immobilité de la source Conversion Le mouvement inverse de la procession est l'émanation (épistrophé). [...]
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