Vaste faisceau de tendances parfois contradictoires plutôt que mouvement homogène, le constructivisme, qui dépasse largement le domaine de l'avant-garde russe, possède un caractère flou. Il recouvre un territoire dont les limites, indéterminées, semblent parfois tenir de l'écheveau ou de la fusion, et conduisent à nuancer les clivages établis par une taxinomie sans doute hâtive - ainsi, l'opposition tranchée entre le suprématisme et le constructivisme ne va pas sans problème ; il en est de même pour la distinction communément opérée entre le constructivisme et le productivisme. C'est ce qui conduit ordinairement le chercheur à adopter une position médiane, prudente, et l'amène à considérer le constructivisme comme un moment historique que délimiteraient globalement les deux premières phases de la révolution bolchevique : l'époque du communisme de guerre, et celle de la NEP.
Nous ne prendrons ici en compte qu'un aspect particulier du constructivisme russe : la tendance productiviste, sous sa forme la plus radicale, au sein du mouvement général de l'art non objectif. Il s'agira de viser plus précisément la question de l'objet constructiviste, qui pose le problème de la définition et du statut de l'artiste et de sa production, dans le cadre historico-politique et socio-économique de la première décennie de la révolution russe.
[...] Dééfenseur, sous une forme àà la fois plus incisive et plus nuancéée, des thèèses qui devaient donner naissance aux thééories constructivistes, Taraboukine contribua àà une conceptualisation de la critique de l'esthéétique et àà la dééfinition d'un programme artistique qui, au-delàà du parti pris en faveur d'un art non objectif, éénonççait la disparition de l'art de chevalet et la naissance d'une culture matéérielle fondéée sur la géénééralisation de l'industrie méécaniséée dans le cadre de rapports de production dééterminéés par une organisation socialiste de l'ééconomie et de la sociéétéé. Soutenus par Alexis Gan et Nicolas Pounine, Rodtchenko et Stepanova formèèrent un “groupe de travail d'analyse objective” qui s'éétait fixéé pour tââche la dééfinition analytique des éélééments et composants fondamentaux de la pratique picturale. [...]
[...] La vééritable nouveautéé du constructivisme doit êêtre cherchéée . ) dans le déépassement des clivages entre les difféérents domaines de l'expression artistique, dans l'éémergence de la notion de structure. Il ne s'agit plus alors seulement d'interféérences féécondes, mais de lois communes d'organisation, de composition, de construction àà retrouver derrièère la disparitéé des apparences.”(1) En réévéélant un éévident souci de synthèèse orientéée vers la mise en œœuvre des fonctions sociales de la crééation expéérimentale, les constructivistes s'éétaient affranchis du dogme moderniste de l'autonomie de l'art. [...]
[...] L'instauration du constructivisme : de l'esthéétique de l'art de laboratoire àà la politique de la production En 1919, la Xe exposition d'ÉÉtat, intituléée Crééation non-figurative et supréématisme, consacrait la scission entre Malevitch et ses anciens disciples, nouvellement acquis aux idéées éémergentes du productivisme. L'annéée suivante, Tatline exposait pour la premièère fois une maquette du Monument àà la IIIe Internationale, œœuvre-manifeste de la conception d'un nouvel art proléétarien incarnant, stricto sensu, l'idéée d'une œœuvre réévolutionnaire totale. La tour de Tatline ne connut d'existence qu'àà l'éétat de projet. Elle éétait réévolutionnaire dans sa symbolique en tant que déétournement du mythe de Babel et de la tradition politico-culturelle russe du monument comme emblèème et norme de la citéé et du pouvoir. [...]
[...] Il est participant, selon sa maîîtrise et son savoir-faire, au procèès de transformation du mode de vie. Notes 1 CONIO, Géérard, Le constructivisme russe, "Cahier des avant-gardes", Lausanne, L'ÂÂge d'homme p Le monde de l'art russe réépartissait les artistes en trois tendances déésignéées par les qualificatifs "de droite", "du centre" et "de gauche". Cette déésignation recouvrait non des clivages politiques, mais des distinctions liéées aux conceptions artistiques et aux pratiques des difféérents groupes. Les artistes "de droite" regroupaient les partisans du rééalisme figuratif, ceux "du centre" les praticiens des arts déécoratifs et des arts appliquéés, les artistes "de gauche" repréésentaient l'avant-garde CONIO, G., op. [...]
[...] Ce dernier aspect se doublait d'une viséée idééologique : La transformation du byt devait modeler la conscience nouvelle de l'homme socialiste en accééléérant l'accèès àà une vie urbaine et technologique, tout en dééveloppant une conscience sociale collective. ÀÀ travers le tressage de ces éélééments devait se constituer la trame de la réévolution culturelle soviéétique. Une viséée similaire affectait l'avant-garde constructiviste, àà des degréés divers, du fait des contradictions entre les participants. C'est ce que traduisit la “querelle de l'objet” qui scinda, grossièèrement, l'avant-garde artistique entre trois tendances : la premièère regroupait les partisans de l'autonomie de l'art qui, refusant la conception strictement utilitariste de l'activitéé artistique, continuaient de dééfendre l'idéée d'un art de laboratoire. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture