Oh les beaux jours (Happy Days) - Samuel Beckett (1961)

Thèmes abordés

Oh les beaux jours, Happy Days, Samuel Beckett, En attendant Godot, Fin de partie, cadre spatio-temporel, didascalie, théâtre, pièce de théâtre, héritage théâtral, monologues

Résumé du document

Apparu après la Seconde Guerre mondiale, le théâtre de l'absurde, appelé également “Nouveau théâtre“, présente une rupture totale par rapport aux œuvres plus classiques : les pièces dénoncent l'absurdité de la condition humaine par le biais de personnages, souvent marginaux, interagissant avec un langage conflictuel. Samuel Beckett, dramaturge irlandais d'expression française né en 1906 et mort en 1989 a connu une grande renommée au travers de ses œuvres théâtrales, notamment En attendant Godot et Fin de partie. Son œuvre austère et minimaliste est marquée par l'attente, la solitude et l'absence de communication, Beckett utilise un langage dépouillé pour exprimer l'errance dans un monde absurde et la mort, il construit son œuvre sur une nudité de l'écriture qui rend compte, par son dépouillement de l'absurdité de la condition humaine.

Extraits

[...] En outre, Beckett met en avant des personnages risibles, particulièrement à travers leur absurdité. La disproportion de la répartition de la parole, des répliques, entre les deux personnages peut faire sourire le spectateur : à une très longue tirade de Winnie est associée une simple réponse monosyllabique de son mari, révélant son incongruité. De plus, les changements d'expression récurrents de Winnie, qui la font passer du sourire à l'angoisse, comme le montre la didascalie "un sourire qui semble culminer en rire lorsque soudain il cède à une expression d'inquiétude" (gradation + antithèse) induit certes un rire, mais un rire inquiétant. [...]

[...] Willy étant, lui, « caché par le mamelon » marque un paradoxe du personnage à la fois présent et absent. Winnie elle aussi est paradoxale puisqu'elle regrette de ne pouvoir supporter la solitude, donc de ne pouvoir parler seule alors qu'elle l'est et qu'elle le fait. Beckett montre un être humain baigné d'illusions sur sa situation. La situation d'énonciation est particulièrement étrange, le deuxième personnage restant muet et faussant le dialogue aussi bien que le monologue ; il n'y a pas d'indices sur l'intrigue, pas plus que ne se dégage le moindre horizon d'attente. [...]

[...] les deux personnages En outre, Beckett met en scène deux personnages, surprenants par leur situation. Tous deux portent des noms très proches, "Willie" et "Winnie" ; cette proximité crée une confusion entre les deux, renforcée par le fait que Winnie s'adresse à la fois à son mari, Willie, et à elle-même : dans "lorsque tu ne réponds pas et n'entends peut-être rien, Winnie, il est des moments où tu te fais entendre", le « tu » désigne d'abord Willie, puis sa femme. [...]

[...] En effet, lorsque Willie est à ses côtés, son angoisse est contenue par la conscience il est des moments où [elle se fait] entendre, [elle] ne [parle] pas toute seule tout à fait". Pourtant, malgré sa peur de la solitude et le réconfort qu'elle pense trouver auprès de Willie, Winnie est seule. Willie est totalement absent, tant physiquement que par ses paroles, qui n'apportent aucune réponse aux nombreuses interrogations de Winnie, l'abandonnant à ses angoisses. Ainsi, n'écoutant pas sa femme, il ne lui apporte aucune véritable compagnie ; il apparaît comme un prétexte au babil de Winnie. [...]

[...] Bien qu'il n'y ait aucune indication pour informer le spectateur sur le cadre temporel, l'auteur met l'accent sur le temps dans cette tirade. En effet, le temps semble s'écouler de façon irrégulière, par le rythme des paroles prononcées par Winnie et par l'espacement engendré par les didascalies de l'auteur "Un temps", au nombre de vingt-deux. Les protagonistes sont impuissants face à ce temps empesé et dont ils ne tirent aucune utilité et les seuls repères qu'ils ont sont deux sonneries, "pour le réveil" et "pour le sommeil" : le temps qui passe est comme matérialisé par ces deux sonneries. [...]