Electre de Giraudoux, publiée en 1937, est une version moderne du mythe antique. Alors qu'un étranger entre dans Argos, on annonce le mariage prochain d'Electre, fille d'Agamemnon, et d'un jardinier. L'étranger la soustrait à cette obligation et révèle être Oreste, frère exilé de la jeune femme. La scène 8 de l'Acte I est majeure dans cette pièce car il s'agit de la “réappropriation” d'Oreste par Electre. On peut se demander quel est le comportement adopté par Electre face à son frère. Nous étudierons d'abord, dans ses retrouvailles, le caractère possessif d'Electre puis la renaissance d'Oreste et finalement la théâtralité.
[...] Ces retrouvailles ont un caractère onirique un merveilleux hasard”) et l'amour éprouvé par Electre semble être débordant et incontrôlable. L'énumération la fois le regard, la voix, la vie d'Oreste” ainsi que la gradation allant du détail à l'être complet, s'opposent à n'en puis plus” . la joie d'Electre est proche de la souffrance mais celle-ci subie, elle-aussi, à sa façon, une renaissance : “vingt ans mes mains se sont égarées ( . ) voilà qu'elles touchent un frère”. On quitte l'inceste mystique de l'ordre de l'esprit pour relever, implicitement, un aspect plus charnel . [...]
[...] Auparavant, il avait “tout à dire” mais sous la férule d'Electre, la fonction primaire qu'est celle de la respiration lui est confisquée. Cet extrait est donc marqué par l'autorité dont Electre fait preuve, face à son frère. Une attitude contrebalancée par l'élan amoureux éprouvé pour celui-ci. Une déclaration amoureuse Oreste, dans cet extrait, est sublimé par Electre. Il est opposé au “médiocre” et à “l'ignoble” qu'Electre connaissait “souvent” depuis “vingt ans”. Son frère marque une rupture avec le passé, introduite par “voilà”. [...]
[...] Les nombreuses exclamations est Oreste”) contribuent à transformer ce texte ne incantation. Le registre lyrique est marqué par l'utilisation du pronom personnel tout au long de l'extrait. D'autre part, ce texte très écrit évoque des sentiments intenses, exacerbés : “trop durement”, blessent”, n'en puis Le subjonctif plus que parfait eût fallu” montre le caractère brusque de la réapparition d'Oreste et le déchaînement des sentiments que cela provoque. eût fallu que je m'entraîne sur une forme de “d'abord morte peu à peu vivante”, je regagne mon frère sur le monde à tâtons”. [...]
[...] Ce don de la vie par Electre traduit la rivalité qui existe entre elle et sa mère. Elle cherche à évincer sa mère de son statut par l'utilisation récurrente du pronom personnel Cette impression n'en est que plus flagrante aux lignes suivantes, par la généralité “voilà bien l'ingratitude des fils” qui, cette fois sans détour, fait d'Electre une mère. Comme auparavant, les verbes performatifs complètent l'idée de foetus-Oreste et donc d'une incubation qui semble - par la première personne du singulier- se trouver dans le ventre même d'Electre. [...]
[...] Dans la scène Electre prend possession de son frère. Il ne s'agit pas seulement d'une évocation lyrique de l'amour maternel, en la personne d'Electre, ou fraternel. Electre s'approprie son frère dans le but ultime d'assouvir sa soif de vengeance. Cette scène, dramatique, est marquée par le rejet de la mère, Clytemnestre. Ce commencement de révolte anticipe sur la suite : la découverte du lourd secret de Clytemnestre. Inconsciemment, Electre se doute qu'un mystère entoure la mort de son père et c'est pourquoi elle destitue sa mère de ses fonctions. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture