« Mon monument sera du style de Louis XIV ! », s'exclame Jules Dalou (1838-1902), en 1879, à l'idée d'édifier ce monumental ensemble sculptural. Cette exclamation surprend le lecteur d'aujourd'hui comme l'œuvre a pu surprendre le spectateur de l'époque. En effet, après presque dix ans d'incertitude et de régimes autoritaires, la IIIe République semble enfin avoir trouvé un certain équilibre, après le rétablissement des libertés publiques (régime qui amènera les lois de 1881 sur la liberté de réunion et de presse…).
À l'instar des places royales sous l'Ancien Régime, les places de la République sont un élément central des projets urbanistiques du gouvernement. Il y a, en effet, l'idée de vouloir occuper l'espace public de manière grandiose à la manière des monarques. C'est dans cet esprit que la ville de Paris organise, en 1879, un concours (considéré comme la forme la plus démocratique qui soit) pour un monument à la gloire des nouvelles institutions républicaines devant inaugurer la « place de la République ».
[...] Le groupe principal était placé sur une plaque tournante, comme le sont les locomotives dans leur dépôt. Partaient de ce plateau central des voies étroites de chemin de fer sur lesquelles cheminaient des wagons transportant les statues qui devaient faire cortège au groupe principal Grâce à cet ingénieux système, l'artiste français pouvait détacher tous les sujets qu'il voulait, puis les éloigner ou rapprocher à volonté à l'aide de ce jeu de voies ferrées : se promenaient à travers l'atelier des statues d'hommes, de femmes et de lions qui devaient entourer le groupe principal. [...]
[...] Enfin, le troisième et dernier mouvement après celui de la République et du Génie de la Liberté est celui de la Paix. La Paix est représentée nue. Ses formes arrondies et généreuses suggèrent une aisance fluide et une sérénité heureuse. Son visage est doux et apaisé (contrairement à celui de la République qui est volontairement neutre). Elle répand les fruits de l'abondance sur le chemin tracé par le char. Les fruits, généralement attributs de Cérès, déesse de l'agriculture, s'échappe d'une corne d'abondance. [...]
[...] Au premier abord, l'ensemble peut sembler manquer d'unité. En effet, il y a trois mouvements importants : celui de la République, calme et pondérée, celui du Génie de la liberté qui projette l'ensemble en avant, et celui de l'Abondance qui regarde en arrière. Cependant, ce rendu est totalement délibéré, car le monument est clairement destiné à être vu des quatre côtés : en effet, de chaque côté qu'on le regarde, on a toujours une figure ayant son existence propre. C'est d'ailleurs cette variété et cette contradiction qui provoque l'élan de marche de l'ensemble. [...]
[...] Le Conseil municipal décide donc en 1880 de commander à Dalou ce groupe allégorique pour la décoration du bassin central de la place de la Nation. Pour comprendre toute l'importance et la symbolique de cette œuvre, il faut comprendre que le choix de cette place n'est pas anodin. En effet, à l'origine, cette place avait été baptisée la place du Trône pour l'entrée solennelle dans Paris, le 26 juillet 1660, de Louis XIV et de Marie-Thérèse d'Autriche, revenant de Saint-Jean-de-Luz après leur mariage. [...]
[...] Selon James Hall, le char est un véhicule triomphal où prend place un personnage mythique allégorique ici la République, il est généralement tiré par au moins deux créatures dont l'espèce est en rapport à la qualité du triomphateur ici des lions. Les lions sont donc à lier à la République. Toujours selon James Hall, ils sont la personnification même de la force. Or quelle est la force de la République ? La République tient sa légitimité du peuple : c'est la force populaire qui est ici représentée tirant un ensemble plein de symboles. Les lions et le char sont guidés par le Génie de la Liberté, dont l'origine et la signification sont assez difficiles à cerner, faute de ressources documentaires. [...]
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