Paul Thomas Anderson, There will be blood, oeuvre cinématographique, Commentaire d'oeuvre, long métrage, réalisateur, analyse, personnage, Daniel Plainview, codes narratifs, mise en scène, séquence, extrait du film, protagoniste, répliques, dialogues
Le cinquième long métrage du réalisateur américain Paul Thomas Anderson, There will be blood (2007), a maintes fois été présenté par la critique comme en rupture avec les codes narratifs et esthétiques des autres films du réalisateur : plus épuré, plus sobre. Rupture aussi par l'intérêt presque exclusivement concentré autour du personnage de Daniel Plainview a contrario du film choral qu'est Magnolia ou de l'histoire d'amour de Punch Drunk Love. S'il nous faut nuancer ce constat dans notre conclusion, il est vrai que, pendant les deux premières heures du long métrage, le réalisateur se focalise sur la seule quête d'un prospecteur de pétrole américain, depuis sa première découverte d'un gisement jusqu'à son apogée professionnelle comme richissime exploitant dans l'Amérique des années 1920. Au fil des dissonances musicales de Johnny Greenwood, on assiste à la métamorphose d'un pionnier en redoutable capitaliste qui recourt à la violence (verbale, physique) pour écarter ses concurrents, notamment son fils adoptif, mais surtout le représentant de l'Église de la Troisième Révélation : Eli Sunday. Toute la diégèse tisse d'ailleurs une étrange relation symétrique et concurrentielle qui nourrit de fortes tensions dramatiques entre ces deux personnages types : l'un incarne la Foi ; l'autre, le Capitalisme.
[...] Le plan d'ensemble (photogramme et sa longue profondeur de champ exprime d'ailleurs toute la symétrie et la perspective de cet espace. Mais ici, point de foi ; il s'agit du temple du capitalisme : cette salle connote la vanité, le luxe ostentatoire mais encore l'esprit de compétition du personnage (il y a deux pistes comme pour y jouer un duel). Ce lieu d'ordinaire ludique et collectif devient ici la propriété et la jouissance d'un seul individu : le self made man. [...]
[...] Ainsi, devenu metteur en scène, Plainview prend le pouvoir sur sa marionnette en contrôlant son corps, son discours, son honneur. S'ensuivent quatre répétitions de la réplique : « I'm a false prophet . » : la contrition d'Eli s'intensifie et gagne en crédibilité. Elle est rythmée par l'ordre du metteur en scène de répéter (« Say it again »), asséné comme autant de coups symboliques portés par Daniel à son ennemi, à l'image du trépan longiforme qui creuse coup après coup la surface du sol lors des séquences de forage du film. [...]
[...] Brutalement, un raccord dans le mouvement propulse Eli en territoire ennemi laissant peser une menace totale sur le chétif homme de foi. Le plan suivant exprime d'ailleurs cette angoisse : le réalisateur créé d'abord un effet de surcadre (le cadre du champ de l'image est redoublé par le cadre formé par le panneau de bois, c'est-à-dire l'espace rassurant de l'église et de son autel) qu'il fait progressivement disparaître dans un travelling avant projetant Eli, comme le spectateur, vers une funeste destinée. Ce premier rampe sur le sol telle une nappe de pétrole suintant à la surface rocailleuse d'un sol désertique. [...]
[...] Anderson reprend ici de nombreux motifs de la célèbre scène d'ouverture du film 2001 l'odyssée de l'espace (annexe : photogramme où les hommes préhistoriques expriment violence et agressivité après avoir touché un énigmatique monolithe noir. Par cette référence, P.T. Anderson semble nous dire que ce crime est moins l'expression d'une vengeance ordinaire ou d'une crise de démence que l'allégorie du Mal, l'inhérence de la violence dans l'homme. Photogramme 8. L'ultime forage de Plainview : le rouge et le noir. Le plan moyen en plongée (photogramme révèle enfin toute la violence libérée par Plainview désormais, comme son nom le signifie, sans obstacle aucun. [...]
[...] Anderson ? Et surtout quels liens visuels et narratifs pourrait-on tisser avec son œuvre suivante, The master (2012), dont le personnage semble par certains aspects à la croisée des chemins entre Daniel Plainview et Eli Sunday ? Annexes Photogramme a (détail). There will be blood, Paul Thomas Anderson Photogramme b. Shining, Stanley Kubrick Photogramme c l'odyssée de l'espace, Stanley Kubrick Document d. Saturne dévorant son fils (détail), Peter Paul Rubens Musée du Prado, Madrid. [...]
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