Commentaire d'oeuvre (antiquités gallo-romaines) : la statue de Sylvain-Sucellus de Javols (Lozère)

Résumé du document

Cette ronde-bosse de Silvain-Sucellus en grès rouge est conservée à la salle d'exposition des fouilles archéologiques de Javols (Lozère). Elle a été découverte en 1969 et a visiblement été sculptée vers la fin du Ier siècle ou au début du IIe siècle de notre ère, puis brisée vers la fin du lie siècle et restaurée récemment. Une fois remontée, elle mesure 176 cm de hauteur, dont 18 cm pour le socle, 85 cm de largeur maximale et 45 cm d'épaisseur moyenne. La statue repose sur un socle rectangulaire et un petit monticule non évidé à gauche permettait visiblement de la sceller à autre chose. La sculpture monolithique est composée de plusieurs éléments : un socle, un personnage en pied, un animal, un d petit récipient renversé, un tronc d'arbre, deux tonneaux, une amphore et une corne d'abondance. L'homme est debout, en contrapposta et esquisse un chiasme : la ligne décrite par les épaules et celle décrite par les hanches sont opposées (...)

Extraits

[...] Le dieu est vêtu d'une tunique et d'un manteau, dont il ne reste que quelques plis. La tunique descend sur les cuisses et est fermée devant par une ceinture plate dont on peut voir deux pans. Les mollets sont charnus, les chevilles fines. Les pieds sont chaussés de sandales à lanières, rune longitudinale et les deux autres transversales. A la droite du dieu se trouve une corne d'abondance, dont il ne reste plus grand chose. La corne renferme des fruits ronds, des fruits allongés comportant une fente médiane et d'autres présentant un mamelon central, peut-être des pommes et des dattes. [...]

[...] C'est ici le patron des tonneliers qui est représenté. Commentaire En effet, les adorateurs du dieu sont souvent des artisans, des ouvriers, des paysans, mais aussi des patriciens urbains qui ont leur propriété à la campagne. Il pourrait s'agir ici d'une corporation artisanale de Javols qui aurait eu des liens avec la communauté bachique de Nîmes. Les uns fabriquaient les tonneaux, les autres le vin. Il s'agit là du témoignage d'une réalité économique et d'intérêts économiques complémentaires. C'est une preuve d'une dévotion commune à Silvain-Liber-Pater-Sucellus. [...]

[...] La représentation de la couronne apparaît une autre fois (Belley) sur une représentation de Sucellus où elle entoure le maillet, et aussi sur plusieurs représentations de Silvain. Le tonneau (comme à Vichy), l'amphore (comme à Sens) ou le vase pansu (comme à Dijon) accompagnent ici tous trois le dieu. Ces éléments symbolisent la boisson alcoolisée. Le dieu préside à la préparation de boissons fermentées qui rendent immortel. En ce qui concerne le maillet, il est ici courbe (comme à Lyon, Nîmes . et est représenté au dos de la statue (comme à La Fare). [...]

[...] Parfois, le dieu vêtu à la gauloise tient une flûte de Pan ou un couteau de chasse. Souvent, les autels dédiés à Silvain se couvrent de maillets, l'attribut de Sucellus. De façon populaire, on le représente vêtu d'un justaucorps indigène à manches longues serré à la taille par une ceinture visible. La façon classique consiste à le représenter le dos couvert de la peau de loup du Silvain latin et d'une tunique à manches courtes. Sucellus est un dieu gaulois dont le nom signifie le bon frappeur C'est le protecteur de la fécondité, qui fait jaillir les sources en frappant le sol de sa masse. [...]

[...] C'est la seule représentation en pierre de Sucellus sur le territoire gabale. Ce sont en fait les peuples les moins celtisés du Sud qui comptent le plus grand nombre de témoignages du culte de Sucellus, tout comme les Eduens, les Lingons et les Senons. Le point commun entre ces peuples, c'est la prédominance du culte du Mars préceltique. Cette statue apporte donc des informations importantes : - l'existence d'une dévotion à un dieu hybride, témoin d'un passé religieux riche et complexe - le rôle du travail du bois dans la cité gabale (toujours une des ressources principales de la Lozère) - l'importance des tonneliers gabales et du lien commercial évident avec la production de vin dans la Narbonnaise toute proche (nous sommes ici en Aquitaine) même si selon César les Gabales sont clients des puissants Arvernes. [...]