L'exposition au Jeu de Paume de Tomo Savic-Gecan, dénommé Untitled 2010 est tout à fait surprenante, dans le sens où elle s'expose comme oeuvre et fait prévaloir l'expérience comme finalité. En effet, dans la lignée des grands mouvements d'avant-garde du XXe siècle (Abstraction, Surréalisme...), Savic-Gecan utilise le lieu d'exposition lui-même, en s'appropriant l'espace réel, pour créer une expérience particulière constituant l'oeuvre d'art.
Cette évidente volonté de remise en cause de la perception classique de l'oeuvre d'art nous conduit à nous poser la question suivante : Quels sont les critères modernes de l'oeuvre d'art ?
Nous allons voir comment Savic-Gecan remet en cause à la fois la matérialité, l'idée du créateur orignal et la temporalité de l'oeuvre d'art et comment cela aboutit à la fin du classique rapport contemplatif du spectateur à l'oeuvre (...)
[...] En effet, avec cette création, ni les formes (il n'y en a pas), ni le langage (laconique) ne viennent influencer la façon dont chacun à de recevoir et de comprendre l'œuvre. Cette idée est notamment renforcée par l'intitulé même de l'œuvre, Untitled 2010, qui montre bien la volonté de l'artiste d'éviter de rendre l'œuvre subjective en la nommant, ce qui influencerait évidemment le spectateur. En effet, le lien entre les différents éléments constituant l'œuvre apparaît assez difficile à établir et laisse en tous cas le champ libre à la réflexion. [...]
[...] Approfondissons cette idée avec une analyse plus détaillée, notamment de la salle qui rétrécie. La véritable particularité de cet élément de l'œuvre c'est qu'a l'entrée de chacune des deux pièces, situées dans les deux institutions, il y a deux capteurs qui enregistrent le nombre de personnes entrant dans la salle d'exposition et qui automatiquement influent sur les dimensions de l'autre salle, au travers d'un rétrécissement infime de la salle, totalement invisible. L'idée est ici que le mouvement de la première salle est, après un bref délai, déclenché par les visiteurs de la seconde. [...]
[...] Cette évidente volonté de remise en cause de la perception classique de l‘œuvre d'art nous conduit à nous poser la question suivante : Quels sont les critères modernes de l'œuvre d'art ? Nous allons voir comment Savić-Gecan remet en cause à la fois la matérialité, l'idée du créateur orignal et la temporalité de l'œuvre d'art et comment cela aboutit à la fin du classique rapport contemplatif du spectateur à l'œuvre. Tout d'abord, signalons l'originalité de la présentation de l'œuvre. Cette œuvre est en effet présentait en deux parties, l'une située à la Kunsthall, l'autre qui est son reflet exact dans un second lieu institutionnel, le Jeu de Paume à Paris. [...]
[...] Et ensuite, un peu plus bas, apparaît le cube blanc, qui est utilisé par Savić-Gecan pour montrer sa propre conception du rapport œuvre/spectateur : effort intellectuel de conceptualisation d'une œuvre qui finalement n'existe que par la pensée (actif). On peut donc clairement dire que les critères classiques de l'œuvre d'art sont ici totalement remis en cause, laissant ainsi perplexe mais curieux le spectateur lambda, et que finalement cette œuvre relève de l'art contextuel, dans lequel c'est bien l'idée qui prévaut, et donc l'aspect intellectuel, et non pas l'objet. [...]
[...] Ainsi ce qui apparaît avec cette œuvre ou ce mécanisme, c'est bien l'opposition entre le concept de chose liée à la matérialité brute, et la notion d'« idée insaisissable et intangible. En effet, par convention le propre d'une œuvre est d'être matérielle ou tout du moins matérialisable. Or ici, l'œuvre n'existe que par l'idée et elle n'est absolument pas matérialisable, ce qui pose bien la question de sa temporalité : si l'œuvre n'existe que par l'idée, alors comment définir son moment d'existence ? [...]
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