La peinture de Picasso, Les Demoiselles d'Avignon, autrefois appelée par "Apollinaire Le bordel philosophique", fait partie des chefs-d'oeuvre de l'art du XXème siècle. Peinte en grand secret par Picasso en 1907, elle ne fut révélée qu'à quelques rares personnes. Braque déclara devant le tableau : "c'est comme si tu voulais nous faire manger de l'étoupe et boire du pétrole pour cracher du feu !". Quant à Matisse et Derain, ils pensaient "qu'on retrouverait un jour Picasso pendu devant sa toile" ! Or c'étaient là des artistes ! Qu'en aurait alors pensé l'homme de la rue ? Seuls Gertrude et Léo Stein apprécièrent d'emblée cette peinture. Nous allons tenter de comprendre ce qui suscita ces réactions par l'analyse de l'oeuvre (...)
[...] Le thème choisi par Picasso reprend la longue tradition du nu dans la peinture occidentale. On peut en pointer une évolution qui irait du plus idéalisé au plus "cru". La Vénus de Titien pose dans un intérieur d'époque avec les attributs d'une déesse, celle de Cabanel à peine teintée de mythologie dévoile ses courbes gracieuses aux amateurs bourgeois du XIXe siècle. Avec Ingres et Le bain Turc, c'est un idéal de volupté picturale qui est convoqué. Enfin chez Manet, Olympia adopte une pose classique mais affiche son occupation triviale. [...]
[...] Vermeer l'a très souvent utilisé dans ses scènes d'intérieur. Mais à la différence de Vermeer chez qui les personnages semblent ignorer le spectateur-voyeur, ici Picasso lève le voile sur des personnages qui nous fixent du regard ce qui a tendance à provoquer un effet de sidération . nous sommes "fixés"! De plus ce rideau brun-rouge qui ouvre la scène de part et d'autre de la représentation est doublé par un second, situé en arrière plan, de tonalités bleutés, qui au lieu d'ouvrir vers un "ailleurs" clôt la représentation en dévoilant lui aussi une Demoiselle supplémentaire! [...]
[...] De nouveaux horizons s'ouvrent alors à l'art du XXème siècle. Enfin, ce qui est encore frappant c'est la "dysharmonie" de l'œuvre d'un point de vue stylistique. En effet, malgré le côté anguleux des corps, l'ensemble pourrait être homogène, harmonieux, comme l'a si bien illustré Cézanne avec ses Grandes Baigneuses. Or ici, on distingue nettement trois styles de peinture, trois façons de rendre les volumes corporels. Ce tableau opère ainsi une remise en question radicale de ce qui était un acquis depuis les égyptiens: l'unité stylistique de l'œuvre. [...]
[...] Ce sont cinq prostituées d'une maison close de la Carrer d'Avinyo à Barcelone. Elles adoptent différentes postures. A gauche, la première est debout de profil vêtue d'un léger peignoir rose voilant à peine sa nudité. Puis les deux suivantes, peut-être allongées dans des draps blancs, semblent, par rabattement, être debout et de face. En haut à droite, une autre Demoiselle, debout, de trois-quart face, va pénétrer dans l'espace de la scène en ouvrant des rideaux bleus. Enfin, en bas à droite, assise et de trois-quart dos, une dernière femme nue se retourne pour nous dévisager. [...]
[...] On est sans doute justifiés de voir dans la position des bras, celui du personnage de gauche ou des deux femmes couchées, une réminiscence de Ingres. Picasso découvre Le bain Turc pour la première fois exposé lors d'une rétrospective au Salon d'Automne en 1905. C'est en effet chez cet artiste que l'on trouve des postures à la limite de la déstructuration. Ingres procédait souvent pour ses compositions à partir d'études de fragments de corps. De plus l'œuvre de Picasso rappelle étrangement l'amas de corps et de sensualité du Bain Turc. [...]
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