Phillipe de Champaigne (1602-1674) est, avec son contemporain Nicolas Poussin, une figure emblématique de la peinture française. Cet artiste surprenant s'est constitué un style unique ; il est difficile de l'associer à un courant pictural précis. C'est en tant que grand peintre classique, essentiellement religieux, que nous le connaissons aujourd'hui. Cependant, dans un certain nombre de ses oeuvres, une influence baroque se fait ressentir : on parlera plus justement d'un style "baroque tempéré". L'Annonciation (1633) en témoigne. Cette huile sur toile de 2 mètres 970 sur 2 mètres 520, commanditée par le chanoine Michel Le Masle pour la cathédrale de Notre-Dame de Paris, est aujourd'hui conservée au Musée des Beaux-Arts de Caen. Elle représente, tout en splendeur et en originalité, l'un des premiers grands thèmes de l'histoire chrétienne.
[...] Dans l'angle inférieur gauche est posé un vase orné d'une composition florale emblématique. On y trouve une rose, référence à l'amour de la Vierge Marie, et du muguet, qui symbolise sa chasteté et sa pureté (tout comme les lys, présents dans la plupart des représentations de l'Annonciation). Enfin, on peut voir quelques tulipes, qui peuvent illustrer l'amour divin. À cette symbolique des fleurs s'ajoutent les attributs vestimentaires et le choix des coloris. Champaigne a vêtu Marie comme le veut la tradition, c'est-à-dire d'une robe d'un bleu et d'un rouge vif (couleurs saintes). La source de lumière céleste est de couleur or, symbole du sacré et du divin. En revanche, l'habit de l'archange est porteur d'une nouveauté : les couleurs vertes et mauves n'avaient jamais été utilisées pour habiller un personnage céleste.
La partie supérieure du tableau suggère le Paradis. Deux groupes angéliques, posés sur de gros et douillets nuages aux tons violacés, baignent dans une lumière éclatante et observent avec intérêt le déroulement de la scène terrestre. Eux aussi sont vêtus de rouge (l'un des anges tient un drapé de cette couleur) et de bleu (plusieurs de ces amours ont une paire d'ailes bleues) (...)
[...] L'Annonciation (1633) de Philippe de Champaigne I. Introduction Phillipe de Champaigne (1602-1674) est, avec son contemporain Nicolas Poussin, une figure emblématique de la peinture française. Cet artiste surprenant s'est constitué un style unique ; il est difficile de l'associer à un courant pictural précis. C'est en tant que grand peintre classique, essentiellement religieux, que nous le connaissons aujourd'hui. Cependant, dans un certain nombre de ses œuvres, une influence baroque se fait ressentir : on parlera plus justement d'un style «baroque tempéré». [...]
[...] Eux aussi sont vêtus de rouge (l'un des anges tient un drapé de cette couleur) et de bleu (plusieurs de ces amours ont une paire d'ailes bleues). Enfin, pour conclure sur la dimension religieuse, Marie est agenouillée sur un prie-Dieu, sur lequel est posé une Bible. Avant que l'ange Gabriel fasse son apparition, elle était en train de prier. Ornements floraux et intensité des couleurs peuvent constituer des symboles religieux, mais également des indices de la tendance baroque de Champaigne. III. [...]
[...] Champaigne s'approprie cet épisode-phare de l'histoire chrétienne et lui confère une dimension toute autre. En mettant en scène la Vierge et l'Ange sur le même plan, dans un intérieur qui rappelle les loggias italiennes, il fait le choix d'une œuvre au caractère intime. La jeune femme et la puissante figure de l'archange sont les éléments principaux de la toile : elles occupent un quart de l'espace pictural. À l'arrièreplan se profile un paysage pittoresque (ciel doré, montagnes, lac, verdure), puis un balcon, et une épaisse colonne, qui sert d'appui vertical aux trois séries d'obliques du haut du tableau. [...]
[...] La 2 gestuelle des corps relève elle aussi d'un brio baroque : la figure imposante de l'Ange, la main tendue, le visage avancé et le corps en contrapposto laissent une impression de force et de vraisemblance à l'observateur. De même, les multiples positions et attitudes adoptées par les angelots contribuent à la vie et à l'énergie de l'œuvre. C'est une véritable scène de théâtre que Champaigne nous peint. «Sans emprunter à la théâtralisation et à l'exubérance du baroque, Philippe de Champaigne va cependant donner à voir une peinture religieuse et didactique, orchestrée par une rhétorique des gestes inspirée du théâtre et des arts lyriques», écrit Marie-José Parisseaux. En effet, le peintre fait semblant. [...]
[...] Il joue sur l'illusion et la théâtralité. Les jeux d'illusion invitent, par exemple, à oublier la limite entre Ciel et Terre et à mettre sur le même plan et la même scène l'ensemble des personnages. Quant à la théâtralité, riches costumes, expressions lyriques (en particulier les visages de la Vierge et de l'Ange), élancements, mouvements et artifices ne plongent-ils pas l'observateur en plein cœur d'un théâtre du XVIIe siècle ? IV. Conclusion L'image de grand maître du classicisme français du XVIIe siècle que nous avons de Philippe de Champaigne est certes justifiée, mais, comme nous l'avons montré en nous penchant de plus près sur le tableau de L'Annonciation, elle est à nuancer. [...]
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