Le cinéma et la ville moderne sont nés à la même époque, tous deux produits par la Révolution Industrielle à la fin du XIXème siècle. Il n'est donc pas étonnant que le cinéma ait toujours été témoin de la transformation des villes, les filmant avec fascination ou répulsion, mais jamais avec indifférence. La ville filmée devient plus qu'un décor et peut avoir un rôle aussi important qu'un acteur. Le cinéma est capable d'immerger le spectateur dans une ville comme aucun autre art, parce qu'au delà des monuments, des rues et des façades, un film révèle l'âme des villes dans ce qu'elles produisent humainement, socialement, politiquement, en tant que lieu de vie à la fois individuel et collectif. Le cinéma a le pouvoir de faire d'une même ville un rêve ou un cauchemar. La ville de Paris, peut-être parce qu'elle est restée une ville historique, contrairement aux villes modernes faites de métal et de béton, continue de fasciner cinéastes et spectateurs.
Avant l'invention du cinéma, ce sont les romanciers, les philosophes, les peintres, les chanteurs, français et étrangers, qui ont fait de Paris un lieu unique dans l'inconscient collectif mondial. Depuis le siècle des Lumières, Paris est une ville synonyme de liberté politique, intellectuelle mais aussi personnelle, et c'est ce dernier aspect qui nous intéressera le plus. L'imaginaire construit autour de Paris en fait une ville accueillante, où chacun se sent chez soi et devient enfin libre de rêver, de créer et d'aimer. Ces deux idéaux associés à Paris - l'art et l'amour - sont empreints de liberté et sont connus aux quatre coins de la Terre. On peut penser que Paris comme capitale des artistes et des amoureux est une banalité mais le mythe reste inépuisable. Paris est en effet une des villes les plus filmées au monde, du fait bien sûr de l'importante production cinématographique française mais aussi parce que de nombreux réalisateurs étrangers choisissent d'y tourner. A travers le cinéma, l'idéal parisien est questionné, sublimé, renouvelé.
J'ai choisi d'étudier trois films très différents ayant Paris pour décor et d'analyser comment chacun enrichit la mythologie de la ville à sa manière. Le premier incarne l'âge d'or hollywoodien des années 1950 : Un Américain à Paris de Vincente Minnelli. Le deuxième lance la Nouvelle Vague française à la fin des années 1960 : A Bout de Souffle de Jean-Luc Godard. Le troisième est le plus gros succès mondial d'un film français des années 2000 : Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet. Ces trois films ont en commun qu'ils ne seraient tout simplement pas les mêmes s'ils n'avaient pas Paris comme décor, car Paris y est un personnage à part entière. De plus chacun de ces films a laissé une empreinte très forte à la fois dans l'histoire du cinéma et sur le rayonnement international de Paris.
Quelle vision de Paris propose chacun de ces films, à la fois comme capitale de l'art et comme capitale de l'amour ? (...)
[...] En conclusion, si l'approche de départ, Paris comme capitale de l'art et de l'amour, pouvait paraître banale et restreinte, l'analyse des trois films montre que cet apparent cliché peut être interprété de multiples façons. [...]
[...] C'est elle qui parle, qui paye, qui décide, mais elle ne parvient pas à acheter Jerry. Quand Adam se moque de Jerry et lui demande : Tell me, when you get married, will you keep your maiden name? on comprend que selon l'idéal romantique d'Un Américain à Paris, une femme forte rabaisse l'homme au statut de femme, et cette inversion des rôles traditionnels est ridicule. Pourtant, comparée à la niaise et lâche Lise, Milo est un personnage beaucoup plus complexe. [...]
[...] Or bien Dans les trois films étudiés, l'amour se révèle être la quête principale du héros, après avoir mis le spectateur sur une fausse piste. Au début d'Un Américain à Paris, on pourrait penser que le thème du film sera le chemin de Jerry vers la reconnaissance artistique. Mais dès le premier regard, Jerry tombe amoureux de Lise. C'est elle qui occupe ses pensées, lui inspire des chansons, des chorégraphies et des tableaux, et non l'exposition que lui organise et finance Milo. [...]
[...] Un Américain à Paris propose un idéal romantique très traditionnel puisque Jerry est amoureux de la jeune fille encore adolescente, fraîche et naïve, tandis qu'il refuse les avances de la femme adulte, forte et indépendante. Lise et Milo sont à l'opposé l'une de l'autre sur l'échelle de la féminité selon Jerry. Lise repousse plusieurs fois ses avances avant de céder devant tant d'insistance ; Milo se jette pratiquement dans ses bras dès le premier soir, en l'invitant à une soirée où ils sont en vérité seuls ensemble. [...]
[...] Dans A Bout de Souffle, Jean-Luc Godard a voulu mettre en abîme les conventions du cinéma pour mieux les déconstruire. Un des grands messages du film est que le cinéma n'a pas pour vocation d'imiter à tout prix la réalité mais d'être libre, de jouer avec la caméra, la pellicule, le montage. A Bout de Souffle a été tourné en moins d'un mois, avec un manque de méthode qui a beaucoup choqué à l'époque et qui a bouleversé à jamais les codes du cinéma. [...]
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