En 1819, Géricault crée le premier manifeste de la peinture Romantique avec Le Radeau de La Méduse (Louvre). En France, la nouveauté fait scandale. L'artiste n'est pas pris de Rome, il s'est formé par lui‐même et ne correspond pas aux attentes académiques. L'oeuvre ne répond pas à un dessein officiel, c'est une pure initiative de Géricault. Le grand format peint un sujet moderne, contemporain à l'artiste, il s'agit d'un fait divers macabre : les naufragés du navire La Méduse ont vécu 13 jours d'horreur, ont mangé les cadavres pour survivre. Le tableau inaugure un nouveau thème : l'Humanité et ses souffrances. La composition dépasse le cadre, le désordre devient Sublime. Le Romantisme pictural est Sublime. Cette oeuvre manifeste un nouvel Art, dont le chef de file sera sans doute Eugène Delacroix.
Delacroix va être un peintre essentiellement de Figures d'Histoire. Il peint l'Histoire contemporaine, des sujets littéraires, religieux. Il s'attache également à représenter la fiction. Ce qui est nouveau est l'intention personnelle dans le choix des sujets, il n'y a pas de commande officielle. Le premier rôle est consacré à la couleur. En 1827, il crée La Mort de Sardanapale. Le tableau est saisissant, fascinant, les mots sans doute n'existent pas pour exprimer le choc et l'émotion ressentis face à cette oeuvre. Là réside le Sublime. Il s'inspire ici de la littérature anglaise, d'une oeuvre de Lord Byron.
Le sujet déjà est Sublime :
« Inspiré par le Sardanapale de Byron, Delacroix élabore ce tableau à partir d'autres sources antiques (Diodore de Sicile), contemporaines (Victor Hugo ou Rossini) et plus subtiles comme la sculpture étrusque, la miniature persane et les moeurs indiennes. Byron a à peine suggéré le dénouement de la pièce dédiée à Goethe. Assiégé dans son palais par ses ennemis, Sardanapale se donne la mort ; mais Delacroix imagine qu'il sacrifie avec lui, par le feu, ce qui lui appartient et sert ses plaisirs : femmes, pages, chevaux, chiens et trésors. » (Commentaire des sources du tableau par les conservateurs du Musée du Louvre).
Delacroix s'approprie le sujet et le transpose sur le mode pictural. Le tableau enlace les corps et les couleurs. C'est le saisissement d'un instant Sublime. Nous comprenons dès lors que le Sublime n'est pas seulement l'hyperboliquement beau, car même si cette composition révèle un ensemble esthétique, il reste un malaise, un sentiment d'effroi mêlé d'horreur. L'oeuvre ne nous charme pas mais nous choque, la représentation du massacre nous repousse et à la fois nous attire par ce que l'accomplissement de la volonté humaine a de superbe. Burke dira ainsi qu'est « source du Sublime » « tout ce qui est propre à exciter les idées de la douleur ou du danger, tout ce qui est en quelque sorte terrible, tout ce qui traite d'objets terribles, tout ce qui agit de manière analogue à la terreur ». (I,7). Le Sublime est ce qui suscite le sentiment et l'émotion les plus hauts.
La Mort de Sardanapale est Sublime, et nous espérons vous en convaincre par cette étude.
[...] Le Sublime opère également dans la représentation picturale, avec cet éclatement harmonieux, l'intensité de la Couleur, et l'alliance des corps nus de l'érotisme à l'obscurité de la Mort qui sous‐tend l'œuvre. Nous souhaitons terminer sur quelques points qui viendront définitivement placer le tableau comme illustration de ce concept vaste et fluctuant qu'est le Sublime. Le Sublime, c'est un sujet, et une expression, mais c'est aussi une conséquence sur le spectateur. Les effets du Sublime sont identiques à l'émotion ressentie lors de notre première approche du tableau. Le Sublime, c'est une crainte, un choc. Les corps, magnifiques, souffrants sous nos yeux nous submergent de terreur et suspendent notre jugement. [...]
[...] Il n'est pas de Sardanapale sans sensorialité, et le culte du corps, dans ce contexte érotique, s'impose au delà du vulgaire. Sardanapale est avant tout un esthète, mais un esthète du Sublime et non du Beau, car il met en scène sa vie et sa mort d'une manière effroyable que pourtant nous admirons. Au Sublime sensoriel de sa vie se substitue l'admirable Terrible, l' horreur délicieuse et Sublime de sa Mort L'affirmation de la liberté et de la volonté humaine. Le Sublime se place au dessus du Destin. [...]
[...] A l'angle inférieur gauche, les notes plus sombres mais transparentes formées par l'avant‐bras du cavalier noir qui tire un cheval vers le feu et le gris pommelé de l'animal, équilibrent la clarté centrale. Les corps excèdent le cadre, déjà immense (3,92 x 4,96 créant ainsi un désordre Sublime, un désordre malgré tout composé par l'artiste. La Composition est source de Sublime. Boileau parle d'un Art du Beau désordre un désordre qui ne vise pas à l'immonde. L'artiste Sublime veut à la fois le désordre et la maîtrise par l'équilibre de son œuvre. [...]
[...] Une œuvre Sublime de Delacroix La Mort de Sardanapale (1827), Introduction : En 1819, Géricault crée le premier manifeste de la peinture Romantique avec Le Radeau de La Méduse (Louvre). En France, la nouveauté fait scandale. L'artiste n'est pas pris de Rome, il s'est formé par lui‐même et ne correspond pas aux attentes académiques. L'œuvre ne répond pas à un dessein officiel, c'est une pure initiative de Géricault. Le grand format peint un sujet moderne, contemporain à l'artiste, il s'agit d'un fait divers macabre : les naufragés du navire La Méduse ont vécu 13 jours d'horreur, ont mangé les cadavres pour survivre. [...]
[...] Le lit rouge du plaisir devient un bain ensanglanté et enflammé, témoin de la volonté suprême de Sardanapale. Le rouge apparaît ainsi comme révélateur d'une jouissance érotique à la vue de la mort sanglante. Il est double, connote l'amour et le sang, qui se côtoient sous le regard tranquille du Roi à la grandeur Sublime. Le noir évoque encore davantage la Mort. C'est l'obscurité dans laquelle se pend Aïscheh, la couleur de la peau de l'esclave qui tire le cheval dans le feu, la sombre et admirable folie de Sardanapale. [...]
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