1914-1918, Première Guerre mondiale. Les bouleversements appelés de leurs voeux notamment par les artistes Futuristes tels Marinetti, Balla, Boccioni ou Carra ont commencé de changer le monde entier. L'art a déjà dévoilé, anticipé (?) les changements en cours. Les Cubistes ont, dès 1907 avec Les Demoiselles d'Avignon (le "Bordel philosophique" dira Apollinaire) de Picasso par exemple, remis en question la représentation occidentale. Braque et Picasso, les créateurs du Cubisme renouvellent la représentation, en font une question, en s'inspirant notamment des sculptures africaines ou Ibériques alors à la mode. Matisse réalise, pendant le conflit mondial une immense huile sur toile de 262 x 391 cm. C'est cette oeuvre, conservée à l'Art Institute de Chicago que nous allons analyser (...)
[...] Ils introduisent une relativisation du point de vue et finalement du système mis en place depuis la Renaissance par Brunelleschi, Alberti et tous les artistes qui ont excellé dans l'art de la perspective. Ces préliminaires esthétiques et historiques nous semblent nécessaires avant d'analyser l'œuvre de Matisse proposée, Les demoiselles à la rivière. La Guerre fait rage et Matisse peint des demoiselles, des nus au bord d'une rivière. Nombre de critiques s'en sont étonnés mais sans doute l'œuvre va-t-elle révéler un rapport profond avec les bouleversements du monde. [...]
[...] Les bandes qui structurent la peinture signalent sans doute à gauche les berges de la rivière avec des éléments de végétation (feuilles vertes, coubes végétales . puis en noir la rivière proprement dite, dans laquelle une figure trempe ses jambes. Enfin les deux dernières bandes, à droite, décrivent deux figures debout, semblant absorbées, l'une tournée vers la rivière et l'autre, tout à droite tournée vers le spectateur. On hésite sur le nombre total de figures représentées dans cette œuvre, trois debout (une de face, une de trois-quarts dos et une de trois-quarts face), une accroupie avec une jambe dans l'eau et l'autre dans les herbes de la berge et enfin est-ce une dernière figure cette étrange représentation vert, ocre, bleutée qui semble nous montrer un fragment, un gros plan de corps? [...]
[...] On a dit que le cadre c'est ce qui délimite pour évoquer un "autre" espace par exemple. Ainsi Matisse, jouant à plusieurs reprises sur des effets de cadre enrichit-il l'appréhension spatiale d'une œuvre qui aurait pu apparaître à première vue comme "plate" et sans relief . On pourrait alors parler de mise en abîme bien sûr. A propos de relief et de sensation de volume, on peut noter malgré tout la présence de légers modelés sur les nus représentés. Ainsi les personnages sont- ils "plats" mais en même temps "en volume". [...]
[...] La couleur n'est plus imitative et Matisse ne respecte plus le ton local. Sans doute cette nouveauté est-elle à mettre en rapport avec les innovations de Gauguin. De plus Matisse utilise une touche qui paraît fruste à ses contemporains, quelque chose de "primitif" dans la facture. Gauguin mais aussi les arts Océaniens ou Africains dont Matisse était collectionneur y sont sans doute pour quelque chose. C'est alors le dessin qui est "simplifié" et remis en question. Il ne s'agit plus d'imiter servilement et de façon "réaliste" la réalité visible mais d'en traduire la force, la puissance et le côté presque magique, chamanique ou animal. [...]
[...] C'est donc à nouveau l'espace, les espaces, qui sont mis en question par Matisse. Si les figures sont traitées selon de légers camaïeux d'ocres et ensuite cernées de noir, la couleur est pourtant présente dans l'œuvre majoritairement en partie gauche dans ce qui évoque les herbes de la rive. Comment Matisse traite-t-il ses couleurs? En "aplats" on coutume de dire, en larges zones de couleurs uniformes. Est-ce bien exact? Un examen attentif de l'œuvre montre à quel point cette appréciation peut-être remise en question. [...]
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