1939-1945. À cette date, le monde est plongé dans la guerre. Deux blocs s'opposent, c'est le début d'une déshumanisation. Tout bascule. Les artistes le ressentent. Entre 1941 et 1942, le peintre Fernand Léger réalise une toile aux dimensions imposantes (228 x 172 cm), Les plongeurs II, conservée aujourd'hui au Museum of Modern Art de New-York. Il a peint cette oeuvre lors de son séjour à New-York (...)
[...] On y sent un espace proche des recherches de Pollock à la même époque, un espace all- over, dont le sens (direction) importe peu. L'espace pictural a une réalité qui peut très bien se passer de la référence à l'espace réel ! Ces nappes colorées renvoient-elles aux miroitements de la surface de l'eau dans une piscine ou dans le port de Marseille ? On sait à quel point Léger avait été marqué par les plongeurs qu'il avait observés avant son départ pour l'Amérique dans le port de Marseille. [...]
[...] Utliser le noir et blanc pour l'être humain et les couleurs très vives pour le fond, c'est affirmer une inversion, susciter une nature humaine déshumanisée, robotisée, c'est faire allusion au corps comme à une mécanique (cf Le Ballet mécanique de Léger en 1921!). L'homme est une mécanique et l'amas central est formé d'éléments statiques agencés de façon complexe. On ne sent pas à proprement parler le mouvement. Cette masse entremêlée est finalement à la fois statique et en "lévitation", en apesanteur dans un espace "hors du temps". On est à l'opposé du réalisme, on est comme dans un rêve! Le mauvais rêve de la guerre, des corps amassés, sans se confrontent à un espace pétillant de vie et de couleurs . [...]
[...] Au-dessus, en face, au-dessous des plongeurs? Léger réalise une mise en question du point de vue à la fois proche du cubisme et en même temps radicalement différente! Proche car on peut imaginer plusieurs points de vue simultanés dans cette œuvre. Différents car là où les cubistes fractionnaient le sujet représenté, Léger le "découpe" en morceaux somme toute assez "classiques". Ici, point d'angles ou de facettes . on est plus proche du modelé "néo- classqique" typique du "retour à l'ordre des années 20-30. [...]
[...] Mais ici les corps, tels des statues immobiles sont agglutinées et entremêlées en une masse sombre & qui peut évoquer les drames de la guerre. Ce serait trop dire que d'évoquer les camps de concentration car pratiquement personne n'en a connaissance à cette époque. Nénmoins, l'aspect de ces corps entremêlés, en apesanteur, a quelque chose de morbide. Cette sensation va jouer avec le fond de taches colorées, traitées en couleurs pures, à saturation, en aplats.La vivacité de ces couleurs, leur gaieté, met en valeur, par opposition, par contraste, le traitement en noir et blanc de ces morceaux de corps. [...]
[...] On remarque cependant que l'intérêt de Fernand Léger est tout à fait différent. Alors que les Futuristes prônent l'exaltation de la vitesse, du mouvement, de la machine et de l'industrie, Les Plongeurs II pourrait davantage être rapprochée du mouvement Cubiste (de la seconde génération). Le mouvement n'est pas produit ici par la succession et la décomposition, il s'agit plutôt d'un mouvement mental et c'est au spectateur de participer à l'œuvre, de la déchiffrer et de l'expérimenter. * * * Ainsi, l'œuvre Les Plongeurs II réalisée par Fernand Léger propose-t-elle une vision du corps humain, et plus généralement de l'homme, à l'image de son temps, un temps bouleversé par l'Histoire, mais marqué aussi par des découvertes et une remise en question de l'histoire de la représentation. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture