« Je porte quant à moi haute estime aux valeurs de la sauvagerie : instinct, passion, violence, délires. » écrit Jean Dubuffet dans Positions anticulturelles (Prospectus, tome I p.94). Peintre, sculpteur, et plasticien, Jean Dubuffet dans ses oeuvres et à travers les différents mouvements qui l'ont marqué comme le matiérisme, ou l'art brut, a toujours cherché à s'éloigner de l'art culturel, opposé à cet art instinctif, et passionné qu'il encourage. Jean Dubuffet achève en 1950, une oeuvre profondément inscrite dans cette spéculation sur l'art : Le Métafisyx. Ce tableau appartient à la série "Corps de dame" (1950-1951), travaux sur le corps féminin. Par le titre de l'oeuvre, Le Métafisyx, on peut déjà imaginer qu'il ne s'agit pas que d'une analyse superficielle du corps, mais que celle-ci est reliée à l'univers et au rôle de l'homme dans celui-ci. De ce fait, Quelle est la relation de la peinture Le Métafisyx, au monde qui l'entoure ?
I) Le métafisyx, Une icone du monde
1) Une déesse mère primitive
Le Métafisyx est une oeuvre qui, par ses inspirations, ses significations pourrait renvoyer à une figurine de l'art primitif, noble pour Dubuffet car distant du conformisme contemporain. Cependant, il s'agit de montrer en quoi elle se distingue clairement d'une vénus, célébrant la féminité ou l'érotisme, tout en ce rapprochant d'une représentation des fondements primitifs de l'humain.
Les critiques virent dans Le Métafisyx, comme dans les autres tableaux appartenant à la série "Corps de dame", une outrance violente et agressive. « Un parti pris malsain d'inharmonie, de déséquilibre des notions esthétiques » comme l'écrivit Michelle Seuriere dans la revue Opéra, le 28 mars 1951. Il s'agissait, au contraire, pour Dubuffet d'une célébration et d'un dépassement de la notion de beauté. Celle-ci, est tenue par le peintre en profond mépris car conformiste, et « culturelle », préférant créer un état de transport et de fascination (...)
[...] Au contraire, le corps par ce démembrement et cette dégradation tend vers son propre effacement, vers l'effacement du sujet, pour la reconstruction d'une nouvelle chair, idée qui s'inscrit dans le contexte politique d'après guerre. L'expérience du choc et l'affranchissement des critères esthétiques. Le traumatisme laissé par la seconde guerre mondiale et plus précisément les épurations des nazis conduisent les matiéristes et la peinture informelle (dont Dubuffet fait partie) à se focaliser sur la matière incontrôlée. Dans la peinture Le Métafisyx, cela passe évidement par un corps voué à la défiguration, à l'anarchie et à l'informe par cet usage technique de la matière. [...]
[...] Il est intéressant de noter que le Métafisyx, cette mère primitive est aussi apparentée à l'univers. Michel Thévoz dans son livre Dubuffet (p.58), développe cette idée : Dubuffet entend réveiller dans la physionomie humaine cet inconscient épidermique ou cellulaire qui l'apparente précisément à la couche écaillée du tableau, ou au monde physique en général. Le corps et ses organes sont disséminés dans une boue, qui rend possible une interprétation du point de vu minéral ou végétal du corps. Ce corps de dame est donc traité à la manière d'un fragment de pierre, d'écorce, ou d'un paysage grotesque pourvue d'une clôture comme l'analyse Max Loreau en 1965 dans son Catalogue des travaux de Jean Dubuffet consacré aux corps de dames. [...]
[...] En refusant toute logique anatomique, Jean Dubuffet sacralise le corps du Métafisyx, et le renvoi à une image du monde, distante et impénétrable. Cependant, par là même, il exprime un refus de toute consistance corporelle et des critères esthétiques, refus en lien avec les bouleversements de l'après guerre et sa propre vision de l'art. II) Le corps désacralisé. La perte de consistance du corps Il semblerait que le travail de Dubuffet pût s'axer sur une troisième perspective : l'idée d'un corps désacralisé, perdant toute la consistance qu'on lui avait attribué dans l'histoire de l'art. [...]
[...] Cependant, la démarche de Dubuffet ne procède pas simplement d'un rejet de la seconde guerre mondiale. En effet, celui-ci se positionne plus largement contre toutes les valeurs inhérentes à la culture, et contre l'art culturel plus précisément. Tous ses textes vont dans ce sens : à l'art traditionnel, stéréotypé de la culture bourgeoise, il souhaite opposer un art défait de toute convention, automatique, vrai Dans l'art brut préféré aux arts culturels, (p.199), Dubuffet oppose ainsi contre l'école, l'autodidacte, l'illettré. Contre l'agrégé de grammaire, l'illettré ou l'idiot. [...]
[...] Cette position lui permet à la fois de rejeter toute contrainte esthétique et culturelle du monde qui l'entoure Bibliographie : Laurent DANCHIN, Jean Dubuffet, Terrail, Paris Michel THEVOZ, Dubuffet, Skira, Genève Laurent DANCHIN, Jean Dubuffet. Peintre Philosophe, Editions de l'Amateur, paris 2001. Max LOREAU, Catalogue des travaux de Jean Dubuffet. Fascicule VI, Corps de dames, Editions J.J. Pauvert Jean DUBUFFET, Prospectus et tous écrits suivants, Gallimard, Paris. Tomes I et II : 1967. Tomes III et IV : 1995 Jean DUBUFFET, Asphyxiante culture, J.J. [...]
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