En deux ans, Déborah Zafman s'est déjà taillée une belle réputation. La petite galerie du Marais qu'elle anime avec Guillaume Ségal Lévy, semble être au centre d'un phénomène auquel beaucoup ne croyait plus : le retour de la peinture comme moyen d'expression chez les jeunes artistes. Elle semble avoir un don, sans doute enrichi par une réelle connaissance du monde de l'art, pour mettre la main sur des artistes très prometteurs. Elle a décroché un
doctorat en histoire de l'art à Berkeley, pousuivra ses études en Italie, enseignera en Californie, deviendra assistante du conservateur du musée d'art contemporain à Prato puis assistante du conservateur du Berkeley Art Museum. A cette époque, l'idée de vendre une oeuvre d'art la choque, comme s'il s'agissait d'une forme de trahison.
Quand elle arrive à Paris, elle est d'abord surprise par le mépris ou le désintérêt qui touche la peinture dans un pays qui a si longtemps dominé cette discipline à travers les siècles et le monde. « La scène artistique française tourne en rond, autour d'un maniérisme postduchampian. »
Après avoir vécu des années dans la réflexion, elle s'était faite à l'idée que regarder un tableau voulait d'abord dire lire un tableau pour en comprendre le sens, le décortiquer et l'analyser dans son contexte. Alors elle découvre qu'elle est passée à côté de l'essentiel : voir, ressentir et vivre une oeuvre. Cela se passe au niveau des tripes et du coeur et non au niveau cognitif. « Après quelques visites d'atelier chez des peintres français, j'ai été bouleversée par l'impact qu'avaient pu avoir leur tableau sur mon être. C'était lié à leur rapport à la matière, à leur force sensuelle primaire et riche. »
C'est dans cet état d'esprit qu'elle rencontre Frédéric Léglise, presque marginalisé pour ne pas avoir choisi le bon médium. « La force transmise dans la toile, commente-t-elle, vient du corps de l'artiste et quand on est devant un tableau, c'est la présence physique de la matière et la puissance du geste qui a mis la peinture sur la toile qui me touche. Cela se passe d'analyse, j'aime la peinture et je n'ai plus besoin de l'analyser. Je vis mon rapport à la toile dans mes veines, mes muscles, ce contact me libère, m'inspire, me déstabilise et me
bouleverse ». On pense naturellement à tous les héritiers autoproclamés de Marcel Duchamp, à cette expérience froide de l'art, sèche, détachée, désincarnée. Déborah Zafman nous propose un art chaleureux, détendu, bien dans sa peau, sans prétention, sincère, poignant, puissant et
généreux.
Elle poursuit : « Je respecte la noblesse française qui fait que les artistes ont du mal à soumettre leur art à une machine commerciale. Mais c'est un passage obligé. A moi, en tant que galeriste, d'adapter ce passage à un niveau acceptable pour les Français. » Elle qui par le passé ne pouvait pas vendre d'oeuvres pour sentiment de trahison a donc fait un sacré chemin. Aujourd'hui elle reconnaît que la vente reste la finalité de son travail.
[...] Idem Richard Leydier extrait de Les Seintes Femmes de Frédéric Léglise J'ai demandé à l'artiste ce qu'il pensait de cette analyse. Je n'ai malheureusement toujours pas la réponse aujourd'hui. Autoportraits : Dans un second temps, Frédéric Léglise se consacre aux autoportraits. Ceux-ci sont peints dans un style bien différent des nus et n'ont pas la même signification, le même intérêt ou la même portée. L'artiste explique : Mes autoportraits sont très particuliers, je trace mon ombre sur la toile ou le papier et j'y écris les phrases qui me viennent ; je ne me sers ni de miroir, ni de photos ; en fait j'essaie de montrer l'intérieur et l'extérieur à la fois, d'où leur aspect monstrueux. [...]
[...] La nouvelle exposition dédiée à Frédéric Léglise par Déborah Zafman intitulée Who's afraid of pink nous montre de nouvelles toiles dédiées à la femme. Ce sont des portraits, des nus, des scènes pleines d'intimité et de désir. Les modèles sont des femmes croisées chez des amis, lors de vernissages ou dans des bars. Il leur propose de poser. Elles acceptent alors (ou pas) de s'offrir à son regard. Elles évoluent comme elles le désirent. D'abord il les photographie puis les peins d'après ces images : mon but n'est pas qu'on sente ma présence mais au contraire que la fille s'abandonne. [...]
[...] qui n'est déjà qu'une perception extérieure. Seuls restent sur la toile les éléments qui vont permettre de dire quelque chose du modèle, comme la cigarette , le verre ou la bouteille qui lui ont permis de s'abandonner au regard de l'artiste. Frédéric Léglise utilise presque uniquement le rose, le blanc et le noir. Le rose, c'est la couleur de la chair dans ce qu'elle a de plus caricatural, elle peut être très belle et sensuelle, mais peut assez vite basculer dans l'obscène. [...]
[...] Ca les isole [les modèles], elles sont comme en suspension. C'est comme un instant suspendu qui se prolongerai éternellement Les corps roses de ses muses flottent dans un espace-temps indéfini, auréolés de respect, de douceur mais également d'érotisme subtil et de désir. La femme de Frédéric Léglise est féminine, piquante, sûre d'elle et de son pouvoir, indépendante, intransigeante. Mais pour le plaisir du jeu, elle peut soumettre sa nudité au regard d'un homme, attisant les fantasmes et les obsessions de celui-ci. [...]
[...] Déborah Zafman nous propose un art chaleureux, détendu, bien dans sa peau, sans prétention, sincère, poignant, puissant et généreux. Elle poursuit : Je respecte la noblesse française qui fait que les artistes ont du mal à soumettre leur art à une machine commerciale. Mais c'est un passage obligé. A moi, en tant que galeriste, d'adapter ce passage à un niveau acceptable pour les français. Elle qui par le passé ne pouvait pas vendre d'œuvres pour sentiment de trahison a donc fait un sacré chemin. Aujourd'hui elle reconnaît que la vente reste la finalité de son travail. [...]
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