Michelangelo Antonioni est un cinéaste italien dont l'oeuvre s'étend des années 1940 (avec un documentaire intitulé Les Gens du Pô, réalisé entre 1942 et 1947) à la fin du XXème siècle (où il réalise Par-delà les Nuages en 1995, avec l'aide de Wim Wenders). Parcours atypique que celui de ce réalisateur qui, à ces débuts, créait à l'orée du néo-réalisme triomphant dans son pays, dont il se détacha assez vite pour en personnaliser les apports, jusqu'aux années 1960 où les nouveaux cinémas le placent à l'avant de la scène (c'est l'époque de son plus grand succès, L'avventura, en 1960), jusqu'au tour du monde qu'il effectuera, de Grande-Bretagne aux Etats-Unis.
Son oeuvre, souvent jugée à partir de sa filmographie des années soixante, est considérée complexe, plutôt hermétique et, pour certains, ennuyeuse. Ce qui caractérise en effet ces films, qui ont fait connaître Antonioni du grand public, c'est un sentiment de mystère mêlé de lenteur, voire d'absurdité, que nombre de spectateurs ont évoqué. La « Grande tétralogie du malaise moderne », telle qu'il est désormais courant de la nommer, qu'Antonioni construit dans les années soixante en est la plus parfaite illustration (avec en 1960 L'avventura, en 1961 La notte et en 1962 L'Eclisse ? auxquels on ajoute en annexe, bien qu'il se distingue de ses prédécesseurs, Il deserto rosso (Le désert rouge) de 1964). Les thèmes privilégiés du réalisateur (le désir ou l'absence de désir, l'absence elle-même, le malaise existentiel de l'homme moderne) s'y retrouvent cristallisés autour de la notion du vide. Celui-ci, dont les lieux, les personnages et l'action des films d'Antonioni sont imprégnés, est en effet au coeur de l'esthétique du cinéaste italien.
[...] Dans La notte, l'exemple le plus prégnant est sans doute la séquence de la soirée chez les Gherardini, où les personnages se rencontrent, s'effleurent, errent ensemble dans leur solitude définitivement personnelle. L'architecture de la villa, faites de blocs bruts, de lignes et d'espace rectangulaires permettent à la fois de donner ce sentiment du « malaise moderne », de la froideur du monde, mais également, pour Antonioni, de construire à l'intérieur du plan même les rapports qui régissent les personnages.
[...] La scène de l'errance de Lidia dans la ville de Milan a marqué les spectateurs. Pour certains, il s'agit d'une scène centrale, car elle manifeste l'originalité du langage d'Antonioni, justement par sa capacité à montrer, à travers la simple trajectoire du corps de l'actrice, sans jeu particulièrement expressif de celle-ci, ni effets de cadrage ou de montage (aucun gros plan du visage, notamment) qui auraient pu évoquer l'angoisse qui la tient. L'écrivain Alberto Moravia l'a justement remarqué dans un article publié dans L'espresso du 26 février 1961 (...)
[...] Dans la demi-obscurité de la route, on devine qu'ils se parlent avec animation. Mais comme les vitres de la voiture sont fermées, aucun mot n'arrive jusqu'à nous. Ces brèves images sont peut-être la clé de La notte, dans la mesure où, comme le No trespassing de Citizen Kane, elles remettent le spectateur à sa juste place : celle d'un témoin provisoire, qui ne peut pas tout savoir ni tout comprendre. Ce sont aussi les plus belles images que nous ait montrées Antonioni. [...]
[...] Nous savions aussi que dans l'univers d'Antonioni, les hommes sont faibles et veules, les femmes lucides et fortes. ( ) Ce sont les femmes Claudia, Lidia qui pensent pour eux, et finalement, lorsque l'évidence de la catastrophe éclate, leur servent de miroir. ( ) Les seuls moments où, dans ce monde dispersé, une communication véritabl s'établit, sont ceux qui mettent en présence, à l'abri du regard masculin, les femmes entre elles Lorsque Lidia, revenue de sa courte fugue, apparaît, lasse, trempée, dans la chambre de Valentina, d'où Giovanni vient de sortir, il semble que, pour la première fois depuis le début du film, quelque chose de réel se passe sur l'écran. [...]
[...] Car leur vie intérieure est à ce point pétrifiée, que le monde finit par agir sur le monde extérieur plus qu'ils n'agissent eux-mêmes dans et sur celui-ci. Ces scènes de digressions qui n'en sont en fait pas, sont la vie même Le rien et l'angoisse existentielle : ce qui est rien La scène de l'errance de Lidia dans la ville de Milan a marqué les spectateurs. Pour certains, il s'agit d'une scène centrale, car elle manifeste l'originalité du langage d'Antonioni, justement par sa capacité à montrer, à travers la simple trajectoire du corps de l'actrice, sans jeu particulièrement expressif de celle-ci, ni effets de cadrage ou de montage (aucun gros plan du visage, notamment) qui auraient pu évoquer l'angoisse qui la tient. [...]
[...] Ils veulent nous enlever même ça. Il ne nous reste plus que, parfois, la pitié pour les bêtes. Quand il y a quelque chose. Quand il y a quelque chose, c'est ça : la pitié pour les bêtes. Je vieillis bien, je vieillis mal. Je vieillis. Le jugement est impossible, tout est impossible, le possible, l'impossible, la fin. Pas de toujours, pas de jamais. Même pas de maintenant. Dieu est, mais est-il même dans rien ? [...]
[...] Annexes Rien Brigitte Fontaine Le temps passe. Je vieillis, comme tout le monde. Je ne fais rien, rien d'autre que de vieillir. Je sens le temps qui ronge, le temps qui dégrade. Chaque seconde, chaque minute, chaque heure. Rien. Des millions de fois rien. Les gens passent, les voitures passent, le temps passe. L'eau passe dans mon œsophage. Comme le sable dans un sablier. [...]
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