Pour comprendre ce qu'est exactement l'East Side Gallery, il faut comprendre comment se présentait le Mur de Berlin, dont on a souvent une idée assez fausse. L'isolation de Berlin-Ouest s'est concrétisée dans la nuit du 12 au 13 août 1961 par la construction d'un rideau de fils de fer barbelés. Dans les semaines suivantes, il est complété par un mur de béton, le mur dit « extérieur ». Un autre mur, « mur d'arrière-plan », est construit à son tour un peu plus tard pour renforcer le dispositif frontalier. L'espace entre ces deux murs, appelé « no man's land », mesure entre cinq et plusieurs centaines de mètres selon les endroits. La frontière elle-même coïncide généralement avec le tracé du mur extérieur, mais s'en éloigne parfois quelque peu, comme au niveau de la Mühlenstraße, qui longeait la Spree (le fleuve traversant Berlin).
C'est dans cette rue que se trouve le long fragment de mur d'arrière-plan qui constitue aujourd'hui l'East Side Gallery. C'est la seule portion aussi longue à avoir été conservée, grâce à l'initiative de Christine MacLean qui, dès le début 1990, a lancé un appel pour que des artistes allemands et internationaux viennent peindre plus d'un kilomètre du Mur de la Mühlenstraße. Kani Alavi a ensuite créé en 1996 la Künstlerinitiative (Initiative des artistes) et a ainsi inauguré une restauration partielle de la fresque en 2000, complétée par une rénovation complète du Mur et de ses oeuvres par les artistes originaux l'été dernier, de mai à septembre 2009 (...)
[...] Même si on met des kilos et des kilos de peinture sur le Mur, il ne sera jamais beau. Je trouve cette affirmation très dure, surtout de la part d'un artiste. Comment peut-on peindre sur un support que l'on hait ? Thierry Noir est très clair : on peignait pour faire tomber le Mur. Une œuvre effectuée en vue de sa propre destruction, voilà une position difficile à tenir pour un artiste. Lors de ma rencontre avec Thierry Noir, je lui ai demandé d'expliciter sa position, qui me semblait quasiment aporétique. [...]
[...] Non me répond-il, j'ai simplement adapté ma peinture au Mur. J'ai remarqué que mes peintures étaient moins détruites quand elles étaient très grandes, quand elles prenaient tout l'espace. En peignant tous les jours, on voit comment la peinture réagit à la surface du Mur. Et puis les segments, 1,20m sur 3,60m, ce n'est pas pratique pour peindre. Si on prend deux segments, ça donne 2,40m sur 3,60m, et là ça fait comme une carte postale, 10x15cm, c'est un peu comme le nombre d'or. [...]
[...] Et on ne le sait pas, c'est terrible ! C'est pareil pour les caméras de surveillance, il y en a des tonnes en Grande-Bretagne, mais personne n'y fait attention. Au moins, un mur, il est bien visible. Un fragment qui divise Les opinions des artistes sur le Mur divergent, et selon Mary Mackey, celui-ci est reçu de différentes manières par les Berlinois eux-mêmes. Pendant des années, à Berlin Ouest, les gens traitaient le Mur comme un canevas. Ils le regardaient et voulaient écrire leur nom dessus, c'est tout. [...]
[...] Elle aurait préféré qu'on enlève ce fragment, qu'elle trouve laid et inutile. Si je l'ai repeint me confie-t-elle, c'est uniquement pour l'argent Je lui demande si la vue de ce reste du Mur est difficile pour elle, qui a souffert la présence du Mur pendant si longtemps. Non, ça ne me fait rien. C'est fini. Je n'ai aucune relation avec ce truc En sortant de cette interview qui m'a bien secouée, je continue à penser que les Allemands qui ont connu le Mur voient peut-être toujours les choses ainsi, mais que les jeunes doivent être comme moi : sachant à peine où se trouvent l'Est et l'Ouest dans Berlin. [...]
[...] Andrej Smolak, peintre slovaque que j'ai contacté par mail, me répond dans un français délicieusement bancal qu' il a pas quelque chose spécial que m'unit à ce mur, juste le fait que pas loin de ce mur j´avais une petite amie Kiddy Citny est le seul à développer sa réponse de façon un peu plus précise. Il y a tellement de facettes me dit-il, c'est mon histoire, comment j'ai connu Berlin Est, l'isolation, la grande révolution joyeuse C'est une grande histoire, une grande partie de mon passé. Ça me rappelle aussi comment peindre est devenu mon métier. Le Mur a été mon premier studio. [...]
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