Au premier abord, je me suis dit que ce film n'avait rien d'exceptionnel. Le scénario est très simple, l'esthétique adoptée par les Frères Dardenne proche du documentaire, le sujet, plus ou moins classique.
Puis, j'ai prêté attention à la catégorie dans laquelle avait été classé le film dans le plan de cours : le champ aveugle. A partir de cette précieuse indication, j'ai regardé différemment Le fils, et ai saisi petit à petit ses caractéristiques et sa richesse.
En réalité, le travail effectué par la caméra A-minima est extraordinaire : elle suit sans cesse le personnage d'Olivier, au plus près, suivant chacun de ses mouvements, sa ceinture de travail et ses verres de lunettes cachant - paradoxalement, ses yeux. Elle le filme dans le moindre de ses déplacements, guettant ses gestes, ses bonds, ses courses, son corps, enfin. Le film atteint l'apothéose de cette thématique physique dans la scène de "cache-cache" dans l'entrepôt du frère d'Olivier. Le "père" et le "fils" se confrontent au corps à corps, brutalement, jusqu'à trouver un équilibre, une sorte d'entente tacite.
Outre filmer les corps, Jean-Pierre et Luc Dardenne filment les murs, les angles, les coins. Tout ce qui entrave le regard. On parvient à une sorte d'esthétique du "non-voir" - du champ aveugle ? Le fils dans son entier est en fait régi par les lois du jeu de cache-cache : Olivier suit Francis à la sortie du travail pour voir où celui-ci habite. Il se cache derrière les angles de murs pour ne pas se faire voir. Et lorsque le jeune apprenti l'aperçoit et l'appelle, Olivier fuit. Métaphoriquement, Magali aussi refuse de "voir", de savoir. Elle n'accepte pas le rapprochement d'Olivier et de Francis émotionnellement comme physiquement : elle perd connaissance lorsqu'elle voit ce dernier sur le parking du centre.
Autre aspect qui m'a semblé intéressant, c'est le rôle du trajet en voiture jusqu'à l'entrepôt. Celui-ci dure et semble même s'éterniser. "Quand est-ce qu'on arrive ?" demande Francis. "Encore quarante kilomètres", répond Olivier. C'est l'occasion pour les deux protagonistes de se rapprocher : lors de leur arrêt au "Café des sports", Olivier paraît sur le point d'acheter une pâtisserie à Francis comme un père l'eut fait pour son fils, puis se ravise et paie séparément. Le jeune apprenti demande toutefois à son maître de devenir aussi son tuteur, et propose, amicalement, une partie de baby-foot (...)
[...] Au travers des lettres de la mère lues par sa fille, on découvre ce qui compose le quotidien de la famille, restée en Belgique. Petit à petit, on apprend les soirées banales devant la télévision, les repas entre amis, les évènements familiaux (anniversaires, mariages . les états de santé de la mère, du père, de la sœur. Apparaît donc en filigrane l'entourage de la jeune réalisatrice, qui semble elle, vivre une toute autre vie dans la mégalopole américaine. Il y a une sorte de contraste évident entre le calme et l'ennui qui se dégagent des descriptions de Bruxelles par la mère, et l'agitation des rues et métros New Yorkais que la caméra de Chantal Akerman filme sans cesse. [...]
[...] Gilles Groulx confirme en 1964 dans La Crue : Un cinéaste est un journaliste : il doit informer et commenter. Ce qui compte, pour moi, dans un film, c'est la morale, c'est ce que l'auteur exprime [ Cinéma d'auteur, aussi, bien sûr, car Gilles Groulx accorde de belles envolées poétiques à son film malgré les vingt-sept minutes qui le composent. La caméra se détache par exemple de son sujet principal, le boxeur qui s'entraîne, pour suivre un enfant qui joue avec un avion dans le parc, et qui devient sans doute un symbole d'espoir et de rêve : le boxeur et l'enfant cherchent tous deux de meilleurs horizons, l'un par la reconnaissance dans le milieu sportif, l'autre par le jeu. [...]
[...] L'organisation est celle aussi de la résistance, petit à petit, qui voit le jour avec les dissidents polonais : impression et diffusion de tracts clandestins, diffusion dans les toilettes des lieux réservés aux Juifs. Le spectateur pénètre les méandres de Varsovie avec Wladyslaw Szpilman dans ce contexte si spécial, entrevoit l'horreur mais aussi l'espoir véhiculé par tout un peuple. Chaque recoin de ville, de chaque côté du mur, devient un espace potentiellement habité, un refuge providentiel, une cachette pour un fugitif. Les armes circulent dans les sacs de nourriture, franchissent les barrages de policiers, alimentent la rébellion comme un grondement sourd mais près à éclater. [...]
[...] Amélie Coudurier Le 13/12/12 Denis Bellemare Lecture du cinéma contemporain Journal critique Sommaire : Le fils, Jean-Pierre et Luc Dardenne Le pianiste, Roman Polanski News from home, Chantal Akerman Golden gloves, Gilles Groulx Le fils, Jean-Pierre et Luc Dardenne Au premier abord, je me suis dit que ce film n'avait rien d'exceptionnel. Le scénario est très simple, l'esthétique adoptée par les Frères Dardenne proche du documentaire, le sujet, plus ou moins classique. Puis, j'ai prêté attention à la catégorie dans laquelle avait été classé le film dans le plan de cours : le champ aveugle. [...]
[...] C'est ce que fait Roman Polanski avec Le pianiste : la caméra suit et accompagne pas à pas Adrian Brody qui interprète Wladyslaw Szpilman dans le ghetto de Varsovie, alors que le réalisateur a lui-même fui celui de Cracovie à l'âge de huit ans. De l'expérience vécue et des mauvais souvenirs provient sans doute cette obstination pour la quête de nourriture, véritable nerf de la guerre qui pourrait tenir lieu de fil rouge au film, si ce n'était pas plutôt une corde de piano. [...]
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