Avec Yves Klein, on a vu une des ultimes tentatives d'exprimer une forme de spiritualité à travers l'art. Le but de Klein n'est pas l'art pour l'art, mais l'art pour la vie. Dans ce sens, c'est un opposant au modernisme de Greenberg. Or dans les années 60, ce modernisme domine, en même temps qu'une autre interprétation de l'oeuvre de Klein : celle-ci montre une tentative d'approcher l'art pur, d'abord par le choix de l'abstraction, puis du monochrome, puis du vide. L'absence d'oeuvre mène au bout du compte au principe de l'art qui serait l'idée de l'artiste. Si cette interprétation de Klein domine dans les années 60, c'est parce que son art est assimilé à un courant qui s'impose alors et qui a beaucoup d'affinités avec le modernisme de Greenberg. C'est le minimalisme. Le minimalisme est un courant américain. Ses représentants principaux : Donald Judd (1928-1994), Sol LeWitt (né en 1928), Robert Morris (né en 1931), Dan Flavin (1933-1996), Frank Stella (né en 1936), Richard Serra (né en 1939).
[...] Les nominalistes ont été fortement combattus à la fin du Moyen Âge par les autres théologiens, car si on continuait leur logique, on serait obligé d'admettre que c'est l'homme qui a créé Dieu en le nommant, et pas l'inverse. Le but de la théologie, pour Ockham, c'était de se débarrasser de tous ces mots conventionnels et inutiles et de ne retenir que ceux qui correspondent à des réalités. C'est la méthode dite du « rasoir d'Ockham », un principe d'économie de la pensée : « il ne faut pas multiplier les essences inutilement », autrement dit, il est inutile de faire avec plus ce qu'on peut faire avec moins.
Ce que veut dire Flavin avec cet emprunt au nominalisme de Guillaume d'Ockhman, c'est que le minimalisme est un nominalisme visuel : il faut économiser le visible, débarrasser l'art des concepts qui lui sont inutiles pour ne retenir que ce qui suffit à faire de l'art, à faire une oeuvre. (...)
[...] Robert Morris, Sans titre pièces de feutre, 196768, Ottawa . toujours pour dépasser l'opposition sculpture/peinture, mais aussi pour produire une sensation tactile : le feutre est une matière désagréa‐ ble au toucher, et sa vue rappelle cette sensation . De plus, la disposition est aléatoire : elle dépend de la matière elle‐ même . C'est ce que Morris appelle une anti‐forme : une œuvre qui n'est pas isolée dans une forme comme une sculpture ou une peinture classiques, mais qui est prise dans un processus de perception . [...]
[...] C'est 1 œuvre manifeste, à cause de son titre. Guillaume d'Ockham était un théologien du XIV°. Déjà c'est peut‐être 1 citation des tableaux de Newman, avec ses zip verticaux, qui réactivaient le mythe biblique de la séparation divine. Le chiffre 3 fait penser à la Trini‐ té : le Père, le Fils, le Saint Esprit. La Trinité était l'un des mystères essentiels du chris‐ tianisme, l'un des objets de réflexion privilégiés des théologiens. Mais le genre de théo‐ logie de Guillaume d'Ockham était particulière : c'était le nominalisme Pour les minalistes, les choses ont une réalité uniquement nominale, c'est‐à‐dire parce qu'elles ont un nom ; autrement dit, parce qu'elles sont accessibles par l'homme. [...]
[...] On évalue la qualité des œuvres en fonction de leur composition, de leur originalité, de l'émotion qu'on ressent. Tout cela, Judd le récuse. L'artiste doit maintenant produire des objets . Mais pas n'importe quels objets : des objets spécifiques (titre d'un article de Judd de 1965). Ces objets sont spécifiques parce qu'ils ne doivent correspondre à aucune notion commune d'art, ils ne doivent rien partager avec aucune autre œuvre d'art. Autrement dit, il sera impossible de les juger, puisqu'on ne pourra pas les comparer. [...]
[...] Ainsi, le cadre faisait du tableau une fenêtre et un objet précieux, il permettait d'avoir accès à un monde seulement visible par la peinture . Dans la peinture du s., le cadre disparaît : la peinture n'a plus de fonction illusionnis‐ te. Au lieu du modèle de la fenêtre, c'est le modèle du mur qui domine. De plus, la pein‐ ture ne se veut plus comme une réalité indépendante et précieuse, mais comme une tie de ce monde‐ci. Enfin, la peinture se veut suffisamment originale, dérangeante, pour attirer toute seule le regard du spectateur . [...]
[...] Elles doivent humblement se montrer elles‐mêmes Donald Judd, Sans titre Guggen heim Museum, New York . Ce sont des contenants ou des présentoirs mais qui ne contiennent ou ne présentent rien. Elles ne contiennent ou ne présentent que ce qu'elles sont : elles ne trichent pas . Leur seul intérêt, dit Judd, est d'être tridimensionnels : relevant d'une espè‐ ce à part, ni peinture ni sculpture . Ce sont des objets qui ont une existence autonome même de l'artiste, comme des meubles . [...]
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