Commentaire de l'oeuvre "Le baiser à la dérobée" de Fragonard. A la fin du XIXème siècle, les célèbres critiques d'art Edmond et Jules de Goncourt redécouvrent Jean-Honoré Fragonard sous un jour résolument romantique : selon eux, « c'est le conteur libre, l'amoroso galant, païen, badin, de malice gauloise, de génie presque italien, d'esprit français ». Peintre d'origine provençale, né à Grasse sous Louis XV et mort à Paris en 1806, l'artiste fut un des fervents partisans de l'art rococo au XVIIIe siècle. Néanmoins, contrairement à ce que sous-entend le jugement des frères Goncourt, sa carrière ne saurait se limiter aux scènes de badinage amoureux, quand bien même elles ont assis sa notoriété et démontré sa subtile dextérité.
[...] Principales sources bibliographiques - Colin B. Bailey, Chardin, Fragonard, Watteau : chefs-d'œuvre de la peinture de genre en France au XVIIIe siècle, éditions La Renaissance du Livre, Paris : 2003. - Jean Pierre Cuzin, Jean Honoré Fragonard : vie et œuvre ; catalogue complet des œuvres, Fribourg : 1987. - Jean-Pierre Cuzin, Fragonard : un nouvel examen in Revue de l'Art, Année 1988, Volume 80, Numéro 80, p 87. - Marie-Anne Dupuy-Vachey, Fragonard, éditions Terrail, Paris : 2006. E. & J. [...]
[...] Un fauteuil et un guéridon de style Louis XVI sont placés à sa gauche. A l'arrière plan, sur la paroi, un tondo semble représenter une bergerie dans le goût de l'époque. De la main gauche, la jeune femme tient une écharpe posée sur le guéridon. Un jeune homme surgit de la porte située à gauche de la toile. Il agrippe la jeune femme par le bras et lui donne un baiser sur la joue. Pour le moins surprise, son visage et sa bouche ouverte traduisent sa crispation et sa gêne. [...]
[...] Ainsi, le boudoir communique avec un salon de jeu et avec un corridor d'où surgit le prétendant. De plus, les éléments de mobilier sont réduits à de simples accessoires : ils sont peu nombreux et ont un rôle dramatique (le guéridon et son tiroir ouvert suggèrent le désordre de la scène). Les frères Goncourt qualifiait Fragonard de génie presque italien, d'esprit français ; pourtant il semble que ce soit la peinture hollandaise du XVIIe siècle qui constitue une source visuelle probante pour cette oeuvre. [...]
[...] Néanmoins, ces débats n'ont pas convaincu l'ensemble de la communauté scientifique, de sorte que Le Baiser à la dérobée reste encore aujourd'hui attribué à Fragonard. L'historien de l'art Jean-Pierre Cuzin avance par ailleurs qu'il pourrait s'agir d'un pendant au Baiser volé, aujourd'hui disparu. Le Baiser à la dérobée propose au spectateur de s'immiscer au cœur d'un appartement bourgeois. Ainsi, la scène a pour cadre un petit boudoir cosy. Le sol est recouvert d'un vaste tapis à frises et motifs floraux qui n'est pas sans évoquer le travail de la manufacture d'Aubusson. [...]
[...] Quand bien même elle serait l'œuvre de Marguerite Gérard (1761-1837), l'influence de Fragonard sur cette réalisation ne fait aucun doute. Elle travailla par ailleurs très étroitement avec lui dans les années 1780 et 1790. Certains historiens de l'art ont ainsi pu penser que s'il réalisa la composition du tableau, Gérard se chargea de l'exécution. En effet, cette œuvre peut tout à fait être rapprochée d'une réalisation attestée de Marguerite Gérard : Avant le Bal masqué (vers 1785). De plus, elle a joué un rôle de toute importance dans le regain d'intérêt pour les peintres hollandais à l'époque. [...]
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