La scène terrible que nous avons sous les yeux n'est donc pas un supplice officiel, accompli dans le cadre de la justice institutionnelle, et ayant pour but final l'exécution d'une sentence. C'est une violence spontanée, sauvage et populaire qui a pour origine une agressivité incontrôlée, se produisant la nuit dans un lieu clos (...)
[...] Dans ces deux premiers plans, les personnages se répondent dans un assemblement d'attitudes symétriques et sont unis, victime et bourreaux, dans un même ensemble plastique. La facture de Grünewald, pleine d'intelligence et d'audace dans sa composition, est en même temps précisionniste dans les détails (par exemple dans les fines boucles des cheveux de l'homme au poing ou les nœuds de la corde), délicate et savante dans son dessin et la sensibilité du traitement raffiné de la lumière, exprime de façon saisissante toute l'ambivalence de la scène. [...]
[...] La profondeur de l'art de Grünewald nous parle à travers les siècles car elle exprime magistralement l'ambiguïté et le dédoublement de la violence et le désespoir impuissant face à la cruauté humaine à laquelle nous sommes tous confrontés, sous son aspect policé utilisant le langage comme arme et la personnalité comme cible ou sous sa forme sauvage détruisant et avilissant le corps de l'autre et la personnalité du bourreau, qui détruit sa propre image à travers l'autre, son semblable, son frère. [...]
[...] Plus l'on regarde cette scène, plus elle apparaît comme une théâtralisation de la violence, comme une violence plus psychique que physique. Les premiers personnages vedettes qui se détachent de ce fond humain sont le coupable victime-bourreau, reliés pas une longue corde qui enserre les bras du Christ, s'enroule autour de la main gauche du personnage de droite, pour aboutir en un nœud final à l'extrême droite en bas du tableau. Mais cette corde n'attache pas véritablement, elle est seulement enroulée plusieurs fois autour des poignets du Christ, que celui-ci maintient serrés l'un contre l'autre volontairement. [...]
[...] Aussi notre lecture de cette œuvre est-elle peut-être différente du point de vue conscient, mais elle parle au cœur de tout être humain. Le tableau de Grünewald unifie ses deux notions de violence physique et de violence morale, arbitrairement séparés dans la vie courante et dans les lois, car la détermination d'une culpabilité étant fondée (avec raison) sur les preuves, la première est souvent difficile à déterminer, bien que aussi destructrice. La violence contre les boucs émissaires a de beaux jours devant elle. [...]
[...] Il est seul statique et immobile au milieu de l'agitation ambiante, résigné, et comme détaché de la réalité. On distingue bientôt, par un effort d'attention plus soutenu, les menaces imminentes qui environnent le Christ, et en premier lieu le poing rageur, se détachant en une boule claire sur le fond noir, du personnage barbu situé derrière lui, qui lui saisit les cheveux et s'apprête à le frapper. On comprend la signification de la position ramassée du bourreau qui se prépare à cingler le Christ à l'aide de la corde qui pend de sa main droite. [...]
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