Né le 15 novembre 1503 à Monticelli près de Florence, décédé le 23 novembre 1572 à Florence, Bronzino, le grand maniériste du milieu du XVe siècle à Florence, réunit dans son art raffiné une palette brillante, un dessin élégant et des formes sculpturales. Célèbre pour ses portraits méticuleusement travaillés, Bronzino peint également des sujets religieux et mythologiques, et dessine des cartons de tapisserie et des décors.
Bronzino étudie auprès de Raffaellino del Garbo avant de devenir l'apprenti et le collaborateur du peintre maniériste, Jacopo da Pontormo (1494-1556).
La dernière œuvre proprement « maniériste » de Bronzino est le portrait d'Éléonore (1545, musée des Offices, Florence), où la précision avec laquelle il a rendu tous les détails des arabesques de la robe produit un effet quasi hallucinatoire (le trop de réel revenant toujours à son contraire), et semble une armure masquant un corps inaccessible. Après sa Descente du Christ aux Limbes (1552), où l'écart est sans limite entre la morbidité du thème et l'exubérante accumulation par lequel il est traité, Bronzino accentuera cette profusion anatomique et académique dans ses commandes publiques, dont la composition tient désormais de l'exercice de gymnastique. À l'exception d'un remarquable portrait de la poétesse Laura Battiferri (1560), le moins abstrait, le plus psychologique de ceux qu'il a peints, sorte d'emblème de la frigidité (il écrira de cette femme qu'elle est « dedans tout en fer et dehors de glace »), Bronzino ne réalise plus d'œuvre marquante. Un changement de style s'opère après qu'il a été nommé à l'Académie du dessin que fonde Vasari en 1563, et l'on pourrait dire qu'à la fin de sa vie la Contre-réforme aura fait fondre le bronze glacé de ses figures.
La peinture de Bronzino : Vénus et Cupidon ou Allégorie du Triomphe de Vénus créée vers 1545 conservé à la National Gallery à Londres et mesurant 146 × 116 cm, est aujourd'hui célèbre: fréquemment reproduite, elle est désormais considérée comme emblématique de la manière de Bronzino alors même qu'elle ressortit à un registre érotique qu'il a peu pratiqué. Or, non seulement le tableau est demeuré caché dans des collections privées pendant des siècles mais, dès sa réalisation, il était destiné, sinon à être ignoré, du moins à échapper à tout regard public.
Dans sa Vie de Bronzino, Vasari, peintre et historien florentin qui vécut à la fin du XVIe siècle, écrit : « Il fit une peinture d'une beauté singulière, qui fut envoyée en France, au roi François, dans laquelle était une Vénus, nue, embrassée par Cupidon, le plaisir sur un côté... Et de l'autre, la fraude, la jalousie, et les autres passions de l'amour. » La description correspond en partie à l'Allégorie du triomphe de Vénus, tableau qui n'a d'ailleurs jamais figuré dans les collections royales françaises. Cette peinture est une œuvre ambitieuse, dont la symbolique hermétique comme le jeu raffiné, volontairement froid et artificiel, des couleurs et des formes sont typiques du maniérisme.
[...] La femme-monstre est le seul personnage du tableau qui regarde le spectateur. c. Le personnage-masque : La différenciation de la visibilité n'est nulle part aussi poussée que dans ce personnage hybride qui, quelle que soit la désignation allégorique qu'on retienne, symbolise la tromperie. Elle se retrouve toutefois à des degrés divers dans les trois personnages qui ne sont que fragmentairement visibles. Ainsi, le Temps est, semble-t-il, pourvu d'une aile unique (comme Cupidon, du reste) mais le spectateur, emporté par la tradition figurative qui veut que les personnages volants disposent de deux ailes, lui en attribue automatiquement une deuxième - ce qui ne change d'ailleurs rien à son identité. [...]
[...] D'autre part et surtout, Bronzino donne à Cupidon une tête quasiment féminine. L'ambiguïté d'un corps masculin qui, au sortir de l'enfance, n'a pas encore pris une morphologie franchement virile se prolonge ainsi en androgynie du visage. De fait, le peintre ne se contente pas de déployer en pleine lumière la tête du dieu et de détailler minutieusement ses cheveux bouclés, ses yeux en amande ou ses lèvres charnues, il prend également soin de mettre en valeur son ambivalence «générique» par un fort contraste: la tête de Cupidon, vue de trois quarts, entre en contact physique avec celle de Vénus, vue de profil. [...]
[...] Bronzino a finalement opté pour un parti incomparablement plus érotique: il a retourné l'adolescent afin de mettre en valeur ses fesses. Ce choix l'a toutefois obligé à agrandir le panneau: d'abord situé un peu plus bas, le personnage traditionnellement identifié comme la Jalousie ne disposait plus d'un espace suffisant (le bras qu'il replie sur sa tête serait passé hors champ); le talon droit de Cupidon déborde d'ailleurs sur la planche rapportée-t. De plus, la plupart des attributs et accessoires ont été introduits tardivement ou ont changé de place. [...]
[...] En bas à droite, deux masques, celui d'une nymphe et celui d'un satyre, évoquent les plaisirs de l'amour. C'est d'ailleurs le Plaisir, ou la Folie, que représenterait l'enfant jetant des roses, un anneau de clochettes à la cheville gauche, insensible à l'épine qui lui transperce le pied droit. Derrière lui, une créature monstrueuse au visage souriant, présentant d'une main un rayon de miel, tenant de l'autre main, à droite, sa queue armée d'un dard, incarnerait la Tromperie ou la Luxure. [...]
[...] Il en résulte que la mise en lumière du dard est annulée par sa petitesse: le spectateur a beau être prévenu que l'être hybride le piquera, il s'approche afin de discerner clairement ce qui risque de le piquer. L'avertissement se retourne en piège. La seule partie de l'être hybride qui soit franche est paradoxalement sa tête. Elle seule constitue un piège qui ne se cache pas sous une apparence de mise en garde. Bronzino la traite en effet comme un portrait. [...]
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