Chaque année, nombreux sont les touristes qui pressent le pas vers les cathédrales gothiques, vestiges du Moyen Age. Mais le touriste comprend-il toujours le mystère que ce chef-d'œuvre de pierre nous transmet de génération en génération. Comprend-il "la signification théologique de ce portail de la cathédrale de Chartres qui met en relation très nette avec le sacerdoce du Christ et son sacrifice certains personnages et certains sacrifices de l'Ancien Testament ?"
Cet art que nos ancêtres de la Renaissance qualifiaient de "barbare" et donc de "gothique", est pourtant le fruit d'une innovation en son temps, c'est l'art de l'Ile de France (opus francigenum), berceau de la royauté française pour laquelle l'abbé Suger a voulu mettre cet art au service. Nous développerons plus loin cette oeuvre entreprise par ce moine bâtisseur, abbé de la prestigieuse abbaye royale de Saint Denis où reposent les dépouilles des monarques français.
Mais décrire l'architecture et l'harmonie qui se dégage de ces "géants" de pierre n'est pas l'intérêt de notre sujet. Si tout est "logique est bien proportionné" dans cet art, c'est parce qu'il "repose sur une pensée d'ordre et de clarté et sur une ingéniosité dans la combinaison qui sont les traits caractéristiques d'un milieu."
A partir du milieu du XIIème siècle et tout au long du XIIIème siècle, avec le contact de l'Occident et de la philosophie aristotélicienne, c'est une crise du dogme qui émerge et que tente de résoudre les grandes sommes théologiques. Albert le Grand (vers 1200-1280), saint Thomas d'Aquin (1225-1274), saint Bonaventure (1221-1274), Duns Scot (vers 1266-1308) font la théorie d'un christianisme logique, universaliste et réaliste, intellectuel et savant, augustinien et aristotélicien, dont les cathédrales gothiques sont les illustrations de pierre et de verre. E.Panovski fait même remarquer que "dans la période qui va de 1130-1140 environ à 1270 environ, on peut observer une connexion entre l'art gothique et la scolastique, qui est plus concrète qu'un simple "parallélisme" et plus général cependant que ces "influences" individuelles que les conseillers érudits exercent sur les peintres, les sculpteurs, les architectes."
Que ce soit ces influences individuelles ou le principe de diffusion de l'acte, ces maîtres d'art vont faire valoir leur talent pour permettre à la statuaire et aux vitraux des grandes cathédrales françaises d'exprimer de manière merveilleuse ces articles des sommes théologiques de l'époque. Comme l'a effectivement écrit Victor Hugo, "au moyen Age, le genre humain n'a rien pensé d'important qu'il ne l'ait écrit en pierre." "C'est que le genre humain, commente A.D. Sertillanges, pensait alors sous l'aile de la foi ; que ses pensées, d'une certaine manière, étaient toutes des pensées de Foi, toutes engagées dans le "credo", toutes pénétrées de l'Espérance qui nous a été donnée, toutes prêtes à l'Amour suprême. Dès lors, le genre humain savait bien où les écrire, ses maximes de vie. Et c'est bien ce qui fait appeler la cathédrale une encyclopédie en images."
Or dans le même temps, la théologie apparaît comme la science sublime. Il convenait donc que l'art se mette au service de cette réflexion sur Dieu. Si nous reconnaissons avec J. Maritain que "l'œuvre d'art a été pensée avant d'être faite, qu'elle a été pétrie et préparée, formée, couvée, mûrie dans une raison avant de passée dans la matière", alors "elle gardera toujours la couleur et la saveur de l'esprit" qui l'a conçue. "La cathédrale est née d'une pensée chrétienne. Elle est au même titre que l'ouvrage de Thomas d'Aquin, une somme d'idées, de vie et de sentiments chrétiens". C'est pourquoi nous tenterons, tout au long de notre recherche, de montrer que l'architecture gothique émane d'une pensée théologique à l'époque où les grands maîtres de la scolastique édifiaient leurs sommes théologiques.
[...] Sertillanges7, pensait alors sous l'aile de la foi ; que ses pensées, d'une certaine manière, étaient toutes des pensées de Foi, toutes engagées dans le "credo", toutes pénétrées de l'Espérance qui nous a été donnée, toutes prêtes à l'Amour suprême. Dès lors, le genre humain savait bien où les écrire, ses maximes de vie. Et c'est bien ce qui fait appeler la cathédrale une encyclopédie en images." Or dans le même temps, la théologie apparaît comme la science sublime. Il convenait donc que l'art se mette au service de cette réflexion sur Dieu. Si nous reconnaissons avec J. [...]
[...] Hugues de Saint-Victor, dans son commentaire de Denys l'Aréopagite, "In Hierarchiam Coelestem sancti Dionysii", écrit : "Le symbole est un assemblage de formes visibles destiné à montrer des réalités invisibles" Ce symbolisme qui tient une si grande place dans la pensée d'Hugues de Saint-Victor représente une pédagogie sacrée destinée à l'homme et qui permet de connaître de quelque façon Dieu et le monde lui-même. C'est dans l'Écriture et dans la nature, en tant que figure et sacrement, que Dieu se donne à aimer et que le monde se laisse connaître. C'est l'expression de la pensée de saint Augustin qui se perpétue ainsi au Moyen Age. En effet, là comme ailleurs, l'évêque d'Hippone est l'inspirateur et le maître. [...]
[...] L'art des cathédrales (XIIè-XVè coll. "Bibliothèque des histoires", Gallimard, Paris P. RICHÉ et G. LOBRICHON, Le Moyen Age et la Bible, coll. Bible de tous les temps Beauchesne, Paris J. RIVIÉRE, Le dogme de la Rédemption au début du Moyen Age, Bibliothèque thomiste, Section histoire Vrin, Paris R. ROQUES, Structures théologiques de la gnose à Richard de Saint-Victor, PUF, Paris dionysien. Structure hiérarchique du monde selon le Pseudo Denys, Théologie Paris --------"Connaissance de Dieu et théologie symbolique d'après le traité In Hierarchiam Coelestem Sancti Dionysii de Hugues de Saint-Victor, dans Recherche de Philosophie, III-IV, Paris p ss. [...]
[...] Voir aussi au sujet de cette hérésie, Ch.THOUZELLIER, Catharisme et Valdéisme en Languedoc à la fin du XIIème et au début du XIIIème siècle, Nauwelaerts, Paris-Louvain Idem., Une somme anti-cathare, le Liber contra manicheos de Durand de Huesca, Spicilegium Sacrum Lovaniese Louvain Bernard Gui, Le manuel de l'inquisiteur (1230-1330), édité par le P. A. DONDAINE, dans Arch. Fratrum Praedic., XVII, 1947; idem., édité et traduit par G.MOLLAT, Les belles lettres, Paris A. PONSAR, op.cit., p J. LECLERCQ, F. VANDENBROUCKE, L. BOUYER, La spiritualité du Moyen Age, Aubier, Paris p Cf. [...]
[...] Et la cathédrale représente justement le corps du Christ. Le corps représenté par la cathédrale est d'abord le corps de l'Homme-Dieu, Jésus-Christ. Il réalise dans toute sa force l'unité du symbolisme cosmique et du symbolisme christique. Il comprend dans toute sa personne le "cosmos intégral" qui inclut tous les mondes et tous les êtres, la terre et le ciel, les visibles et les invisibles comme le professe le "credo". C'est pourquoi en reprenant l'hymne transmise par saint Paul aux Colossiens, nous pouvons clamer : "Il est l'image du Dieu invisible, Premier-né de toute créature, car en lui tout a été créé, dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles comme les invisibles, Trônes et Souverainetés, Autorités et Pouvoirs. [...]
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