Lorsque l'on pense à l'architecture parisienne, un nom apparait immédiatement, celui de Georges Eugène Haussmann et son obsession de la ligne droite à qui l'on doit les grands boulevards parisiens. Ce que l'on oublie souvent, c'est que toutes les observations que l'on peut tirer d'une période ont des connexions passées. Tout est le résultat du temps, de ses hésitations, de ses prises de positions et innovations.
L'ouvrage de Jean François Cabestan, La conquête du plain pied : l'immeuble à Paris au XVIIIe siècle s'inscrit dans cette dynamique évolutive. De formation, Jean François Cabestan est historien de l'art et architecte DPLG (Diplômé par le gouvernement). Il est aujourd'hui maître de conférences à l'UFR d'Arts et d'Architecture à l'université Paris I Panthéon Sorbonne. Ses recherches portent sur la genèse de l'habitat moderne et de manière plus générale sur l'étude du patrimoine bâti. Il combine ici ses compétences d'historien et d'architecte et propose avec ce livre une histoire de la naissance de l'immeuble, cette forme d'habitat collectif que l'on connaît tous aujourd'hui. Ce livre offre une étude de cette période charnière allant de la fin de l'Ancien Régime à la Révolution française dans la ville des Lumières marquée par les politiques d'embellissement ainsi que par une véritable colonisation de l'espace urbain par les nouveaux citadins.
[...] La promenade s'établit aussi au XVIIIe siècle et des efforts de la part des autorités publiques sont aussi à noter. Désormais, l'alignement des bâtiments par rapport à la rue devient primordial pour à la fois veiller au bien de tous et à la compréhension de la ville nouvelle qui se construit, se métamorphose. La pierre angulaire de l'alignement des rues est l'Edit de Sully, en 1607. Désormais, on se donne les moyens d'agir sur la ville, un appareil juridique apparait pour modifier l'ordre urbain hérité d'un passé révolu. [...]
[...] Cette uniformisation des bâtiments nivelle la hiérarchie des habitations. Ces législations accroissent la séparation entre espaces privé et public et sont essentielles pour la constitution du plan d'étage courant, répétitif à souhait, qui définit la forme d'habitat qu'est l'immeuble et dont la naissance reste avant tout le sujet d'étude du livre de Jean François Cabestan. Toutes ces législations concourent à l'évolution des types bâtis et leur contact avec l'espace public. La demeure noble connaissait une situation de retrait caractéristique, entre cour et jardin pour montrer la distinction, la magnificence du maître de maison. [...]
[...] Le plan d'étage courant se diffuse et la figure du propriétaire ou locataire principal qui possédait l'étage noble s'efface comme la hiérarchisation des étages. La distribution autour de la cage d'escalier devient centrale et caractérise l'immeuble, entre parties communes et privatives. Mais la destitution de l'étage noble est lente et traduit le difficile passage entre une architecture individuelle de propriétaire, petit ou grand, à la forme d'habitat collectif rationalisé. Jusque la fin du XVIIIe siècle, on trouve plusieurs locataires par pallier. [...]
[...] Avec la prise en compte du bien-être des habitants, l'éclairement, la ventilation deviennent de nouveaux enjeux urbains au XVIIIe siècle, surtout après l'incendie qui ravage Londres en 1666. Les pouvoirs publics entreprennent de contrôler la hauteur des édifices pour à la fois contrer le sentiment d'enfermement dans ces rues mal éclairées mais aussi par mesure de sécurité pour contrer la faiblesse des structures. Deux législations sont très importantes à cet effet. D'abord, celle de 1667 qui limite la hauteur à 48 pieds, puis celle de 1783 limitant la hauteur des bâtiments à 52 pieds. [...]
[...] Ceux-ci résultent, comme nous l'avons vu, de la combinaison de l'entrée des pouvoirs publics dans l'architecture domestique par la législation et les travaux d'embellissement mais aussi de la croissance démographique en ville et de la métamorphose du mode de vie. Richement illustré de plan et de photographies, La conquête du plain-pied traduit par l'étude d'un sujet précis à quel point le XVIIIe siècle est une période charnière de bouleversements dont les aboutissements auront lieu quelques années plus tard, au XIXe siècle. [...]
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