A la fin de l'été 2009, le quotidien Le Monde se faisait l'écho des graves difficultés financières traversées par la ville de Grigny, dans l'Essonne. La municipalité a en effet été déclarée en faillite par le Préfet qui a lui-même imposé des mesures budgétaires d'exception, mesures recommandées par la Chambre régionale des comptes et qui ont principalement consisté à augmenter la taxe foncière et la taxe d'habitation. La situation financière de la ville, qualifiée de véritable « descente aux enfers » (le déficit dépasse le tiers du budget de la commune), est clairement attribuée à la structure de sa population. Exemple typique des villes de banlieue parisienne, n'intéressant les médias que par ses difficultés sociales et les actes de délinquance qui y sont perpétrés, Grigny paie en effet le prix d'une population très jeune et souvent en difficulté dont les besoins ne peuvent être couverts par les recettes de la ville, pourtant très subventionnée.
Ces difficultés sont concentrées dans la Grande Borne, un grand ensemble classé Zone Urbaine Sensible comptant 13 000 habitants regroupés dans 3775 logements dont 3479 logements collectifs HLM, 206 logements HLM appelés « patios » et enfin 90 logements pour la cité de transit du Logement et gestion immobilière de la région parisienne (Logirep). A l'exception de ces 90 logements, l'ensemble de la cité est géré par l'OPIEVOY. La construction de la Grande Borne a fait passer un village de 3000 habitants au statut de ville de 25 000 habitants en seulement quelques années et coûte aujourd'hui énormément d'argent à la commune, ne serait-ce que par les habitants non recensés qu'elle abrite.
Le contraste est énorme entre l'accueil chaleureux qui avait été réservé à la Grande Borne par la presse lors de sa construction et la stigmatisation dont elle fait aujourd'hui l'objet. Il est donc important d'essayer de comprendre quelles ont été les visées d'une architecture centrée sur l'humain et dans quelle mesure celles-ci sont actuellement reconnues.
[...] D'un côté, l'État était très content de se débarrasser des populations difficiles et de les concentrer sur Grigny. De l'autre, la mairie en profitait pour se constituer une réserve électorale et faire du clientélisme". Un "donnant donnant" confirmé par un responsable associatif : "On a circonscrit les problèmes sur Grigny. L'État se simplifiait la tâche. Les communistes étaient loin de s'en plaindre. Ça arrangeait tout le monde." Conséquence de l'immigration, la population de la commune a augmenté. Avec beaucoup de sans-papiers. [...]
[...] Il s'agit de construire vite, peu cher, là où le prix du foncier se prête le mieux à ce dernier impératif. Il faut enfin noter que l'année 1954 marque la fin du premier Plan Monnet et le début du second qui place la question du logement parmi les priorités nationales. C'est alors que l'on voit apparaître la solution de masse au travers de la politique des grands ensembles définis par le géographe Yves Lacoste en 1963 dans un article du bulletin de l'association des géographes français : Le grand ensemble apparaît [ ] comme une unité d'habitat relativement autonome formée de bâtiments collectifs édifiés en un assez bref laps de temps en fonction d'un plan global qui comprend plus de mille logements environ Ces grands ensembles construits entre les moitiés des décennies cinquante et soixante-dix ont abouti à la création d'environ 3 millions de logements en France dont trois sur quatre en locatif et un sur quatre en accession sous la forme de copropriétés a l'instar de la vaste copropriété en difficulté que constitue la Grande Borne. [...]
[...] Au total des habitants interrogés déclarent se plaire à la Grande Borne, reconnaissent des qualités à leur environnement et veulent y demeurer. Certains déclarent ainsi : Mes impressions quand je suis arrivée étaient bonnes et elles le sont toujours malgré tout ce qu'on peut dire sur la Grande Borne pour les enfants ce n'est pas comparable, ils ont l'espace qu'il faut les espaces verts pour les enfants je trouve ça formidable Ils relèvent néanmoins quelques problèmes de cohabitation, une dégradation physique et sociale ainsi qu'un manque d'activités. [...]
[...] DHUYS JF, OP. Cit., p.148. GASSIOT-TALABOT G., Op. Cit., p.40. GASSIOT-TALABOT G., Op. Cit., p.149. DHUYS JF, Op. Cit., p.42. [...]
[...] Nouvel Observateur, 3/08/1970, p.32-33. LE GARREC E., C'est beau, mais c'est triste Politique hebdo, 3/02/1972, p.10-11. Les locataires de la Grande Borne protestent Le Républicain juillet 1973. Qu'est-ce qu'une ville ? et Essai de réponse : La Grande Borne, Grigny Techniques et architecture, nº avril 1968, pp. 70-71. Sources et photographies Institut National d'Architecture = fonds 078 IFA. BRONNER L., La Descente aux enfers de Grigny Le Monde, 26/08/2009. [...]
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