François de Soubise a acheté le vaste domaine des Guise au cœur du Marais. L'ensemble des bâtiments et jardins occupait un espace très vaste, sans égale dans ce quartier. Cette superficie hors norme et la forme irrégulière des parcelles qui la composaient sont le résultat d'une histoire longue et complexe.
Olivier de Clisson, successeur du connétable de France, Bertrand du Guesclin, fit construire un hôtel particulier à partir de 1371, à l'extérieur des remparts de Philippe-Auguste, au coeur du chantier du Temple (aujourd'hui le Marais). On ne conserve de ce premier habitat que la porte d'entrée fortifiée cantonnée de deux échauguettes sur l'actuelle rue des Archives. Il s'agit là de l'unique vestige de l'architecture privée du XIVème siècle encore visible à Paris. L'hôtel de Clisson fut acquis en 1553 par François de Lorraine, duc de Guise, et sa femme Anne d'Este. Des travaux entrepris par la puissante famille de Guise subsistent la chapelle, ainsi que l'ancienne salle des gardes. Sous Marie de Guise, dernière descendante du nom, l'hôtel devint le théâtre d'une brillante cour. Durant toutes ces années, l'hôtel connus de nombreux travaux. Mademoiselle de Guise étant morte sans enfant en 1688, l'hôtel fut acheté en mars 1700 par François de Rohan-Soubise et Anne de Rohan-Chabot sa femme. Les nouveaux propriétaires choisirent en 1705 un jeune architecte nommé Pierre-Alexis Delamair. Pour donner au nouvel hôtel une entrée digne de lui, Delamair changea son orientation en plaquant une nouvelle façade contre l'ancienne aile sud, et organisa une cour d'honneur avec colonnade ouvrant par une demi-lune sur la rue des Francs-Bourgeois. Dans le même temps, il fut chargé par le cardinal de construire l'hôtel de Rohan-Strasbourg, dont la façade monumentale se dresse sur les jardins communs aux deux hôtels. C'est Germain Boffrand qui se chargea de la décoration intérieure à partir de 1735, véritable chef d'œuvre de l'art rocaille et conservée de nos jours. Les hôtels de Soubise et de Rohan servirent à de multiples usages sous la Révolution, puis furent acquis par l'État. L' Hôtel de Soubise est devenu le musée d'Histoire de France (Archives Nationales).
Nous verrons donc comment les architectes successifs, Pierre Alexis Delamair et Germain Boffrand, ont su donner à l'hôtel son ordonnance de qualité qui devait satisfaire et montrer la richesse du Prince mais aussi permettre l'embellissement du quartier du Marais.
[...] Le grand plafond en calotte accueille une grande richesse ornementale. Trophées en médaillons, rocailles et scènes peintes dans leurs cadres chantournés en panache sont unis par le rythme alterné des couples de putti. La chambre de la princesse évoque Versailles avec le rouge pour les tissus, blanc et or pour les boiseries, la corniche et la rosace au plafond. Les amours de Jupiter sont sculptées dans les médaillons ovales des lambris. Les médaillons d'angles accueillent des thèmes mythologiques avec des rinceaux en volutes, des enroulements végétaux, dragons ailés et vases d'où s'échappent des guirlandes de fleurs. [...]
[...] La façade sur jardin fut modifiée à partir de 1750 par Constant d'Ivry en vue de répondre à celle de l'hôtel de Rohan-Strasbourg et notamment à la colonnade centrale. Cette façade gagnait en animation avec le décrochement de la colonnade par rapport au droit du mur. L'objectif du prince de Soubise était de s'inscrire dans la succession du connétable de Clisson et de la famille princière de Guise, ainsi qu'en témoigne la conservation du portail du XIVème siècle et de la chapelle du XVIème siècle. L'œuvre de Delamair fut presque unanimement admirée par le public. [...]
[...] La décoration intérieure de Germain Boffrand : manifeste du style rocaille Delamair fut destitué de son rôle d'architecte du Prince Soubise en 1709. Durant plusieurs années il semble que l'édifice n'a pas connu de grands changements. A partir de 1735, Germain Boffrand apparaît comme l'architecte de l'hôtel et notamment sa décoration intérieure. Le propriétaire de l'hôtel devint Hercule Mériadec parent de François de Soubise. Jusque là, l'hôtel offrait trois appartements pour le prince, son épouse et le couple de son fils aîné. [...]
[...] Il représente l'idéal tel que le définira plus tard Le Camus de Mézières : Le salon est le lieu où la magnificence doit se développer, où la richesse doit être prodiguée. Natoire peint entre 1737 et 1739 l'histoire Psyché. Il en représente huit scènes. La composition de chacune des scènes et les différents épisodes les uns par rapport aux autres fut minutieusement préparée. Le rythme, la disposition des groupes et le mouvement des personnages semblent répondre aux courbes du décor dessiné par Boffrand. Cet appartement privé était complété par un cabinet de toilette, une petite chambre pour la femme de chambre et l'antichambre. [...]
[...] Le portail concourait à embellir la rue passagère et à affirmer le statut social du résident le prince de Soubise. Ce bâtiment privé a contribué à l'embellissement public : les sculptures étaient visibles de la rue, qui représentaient les vertus aristocratiques religieuses et guerrières. Par son originalité, sa qualité et son faste, la décoration intérieure de Boffrand participait à cette revendication du statut princier. Bibliographie - BECHU Philippe et TAILLARD Christian, Les hôtels de Soubise et de Rohan-Strasbourg, Somogy éditions d'art, Centre Historique des Archives Nationales, Paris - BRAHAM Allan, L'architecture des Lumières de Soufflot à Ledoux, Berger- Levrault, Paris - CHASTEL André, L'Art Français Ancien Régime 1620-1775, Flammarion, Paris - GALLET Michel, Les architectes parisiens du XVIII ème siècle, Mengès, Paris - LANGLOIS Charles Victor, Les hôtels de Clisson, de Guise & de Rohan- Soubise au Marais, Jean Schemit Librairie, Paris - LE MOËL Michel, L'urbanisme parisien au siècle des Lumières, Action artistique de la ville de Paris, Paris 1997. [...]
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