Mémorial de l'abolition de l'esclavage, Krzysztof Wodiczko, architecture, émotion, réflexion du visiteur, Nantes, traite négrière, Quai de la Fosse, monument commémoratif, plaques de verre, Cap 110 Mémoire et Fraternité
Nantes ne s'en cache plus, l'odieux trafic qu'était la traite négrière a largement contribué à sa prospérité. Elle fut le 1er port négrier de France : elle organisa 43% des expéditions négrières françaises et ses navires déportèrent environ 450000 captifs noirs vers les colonies d'Amérique. C'est en 1998, lors du 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage, que le Conseil municipal de Nantes décide d'ériger un monument commémoratif, afin d'assumer son passé et perpétuer la mémoire. En 2002, à l'issue d'un concours international, la ville retient de projet de Krzysztof Wodiczko, artiste polonais immigré aux États-Unis, en collaboration avec l'architecte américain Julian Bonder. Les oeuvres de Wodiczko font preuve d'un fort engagement social, en faveur des victimes de la société comme les migrants et les sans-abris, et Bonder, lui, se concentre sur les relations entre la mémoire et l'espace.
[...] La proximité de la mer rappelle que c'est elle qui menait les esclaves à leur destin tragique. Aux Antilles et en Afrique de l'Ouest, le blanc est la couleur du deuil. Le choix de la couleur prend alors tout son sens, on comprend que le blanc marque la dimension funéraire du moment. Comme le mémorial de l'abolition de l'esclavage de Nantes, le monument fait office de tombe pour tous ces esclaves qui n'en ont pas, de lieu de souvenir aux disparus. [...]
[...] Sa thématique transversale est art, espace, temps et elle appartient au domaine des arts de l'espace. I. Un monument commémoratif L'emplacement du Mémorial n'a pas été choisi au hasard par ses concepteurs : il est implanté sur le Quai de la Fosse, lieu symbolique puisqu'il a vu partir de nombreux navires négriers vers l'Afrique. Il se trouve également à proximité du Palais de Justice et de la passerelle Victor Schoelcher, l'homme politique à l'origine du décret de l'Abolition de l'Esclavage de 1848. [...]
[...] Ainsi, le mémorial présente un cheminement vers l'abolition de l'esclavage, mais aussi, par conséquent, vers la justice, qui fut rendue suite à l'abolition. En conclusion, le mémorial nous fait descendre dans la pénombre (comme une descente aux enfers) pour remonter à la lumière. Il joue sur une opposition entre ombre, symbole d'enfermement et donc d'esclavage, et lumière, symbole de liberté. Pour cela, il fallait donc que le monument soit souterrain, mais on peut aussi expliquer cette décision par le fait qu'il s'agit d'un passé enfoui et inavoué qui refait surface. [...]
[...] Puis, il pénètre dans un espace ou des tableaux replacent la traite dans son contexte géographique et historique. Le couloir est ici étroit et fait penser à un dédale (qui dit dédale dit minautore, et qui dit minautore dit inhumanité, en référence à l'indifférence totale des négriers pour la souffrance des esclaves). Le parcours imposé symbolise l'asservissement, la vue bouchée l'absence d'avenir pour les esclaves. Puis le visiteur débouche sur un couloir élargi s'étendant parallèlement à la Loire sur 90 m. À sa gauche, d'immenses plaques de verre courent sur toute la longueur du couloir. [...]
[...] À droite, le visiteur peut apercevoir la Loire entre les piliers : il découvre qu'il est au niveau de l'eau, comme dans les cales d'un bateau, là où se trouvaient les esclaves. Si le début du couloir est plongé dans la pénombre, la lumière afflue au bout, où un large escalier mène le visiteur à l'air libre. La lumière est donc une métaphore de la libération, de la victoire des idées abolitionnistes. On trouve d'ailleurs gravé sur les plaques faisant face à l'escalier un extrait de la Déclaration des Droits de l'Homme abolissant l'esclavage, à côté desquelles le mot liberté est décliné en une cinquantaine de langues. [...]
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