L'espace urbain est envahi par toutes sortes d'images. Les imaginaires de la ville ou d'une métropole sont souvent associés à des images menaçantes d'une société de l'information et de la consommation tentaculaire, déployant ses publicités agressives à tous les coins de rue. Une image publicitaire est aujourd'hui un élément courant, intégré dans le paysage urbain, sous forme d'affiches collées sur les murs et autres surfaces planes verticales, dans les abri-bus, les enseignes de magasins…
Malgré cette généralisation de l'image publicitaire, elle n'en conserve pas moins une dimension irruptive dans le quotidien urbain, une instantanéité introduite chez le passant à la vue d'une affiche. Le street marketing, en tant que style publicitaire en plein essor, mérite d'être étudié, analysé, afin de comprendre ce qu'il apporte en plus aux usagers de l'espace urbain et à la perception qu'ils ont des messages publicitaires.
La difficulté est qu'il existe très peu d'ouvrages et de références littéraires qui abordent ce sujet, tout simplement parce qu'il a été, jusqu'à présent, considéré comme une simple déclinaison du marketing et de la publicité. Mais cette technique est amenée à se développer fortement dans les années à venir et il est temps de l'étudier plus profondément.
[...] En effet, l'intérêt pour une marque comme IKEA d'installer de réels salons dans les espaces publics plutôt que de prendre en photo ces salons et de les intégrer dans de belles affiches, c'est que les passants puissent entrer en interaction avec les objets, chose qu'ils n'auraient pas pu faire avec une simple affiche, aussi esthétique ou drôle soit elle. D'autre part, la réussite d'une opération de street marketing repose sur le public d'une autre façon, à savoir la capacité à créer du buzz pour être réellement efficace. Et qu'entend-on par créer du buzz ? Le mot anglais buzz signifie bourdonnement en français, autrement dit rumeur Cela signifie donc tout simplement d'engendrer une réaction, positive ou négative, chez le public et faire parler de soi à travers la population, acquérir une notoriété via le bouche-àoreille de la foule urbaine. [...]
[...] En effet, l'espace tangible de la rue est façonné par les habitudes de vie de la population : par exemple, une circulation écologique en vélo aux Pays-Bas, des grosses voitures aux Etats-Unis, des boutiques ouvertes sur la rue dans les pays méditerranéens et des boutiques enterrées dans des galeries au Canada par exemple De plus, l'espace de la rue est soumis à des lois, des interdictions, des règlements, qui diffèrent dans chaque pays et dont il faut absolument tenir compte dans la mise en place d'opération de street marketing13. Ces cadres juridiques sont autant de liens supplémentaires entre l'imaginaire de la publicité et l'univers tangible urbain. Le street marketing étant une communication de proximité, au contact direct avec la population, on peut se permettre de mettre en place des opérations plus locales, tenant compte des spécificités culturelles d'une région particulière par exemple. Pour reprendre l'exemple de notre champion du street marketing, IKEA a eu l'idée d'adapter ses campagnes à la culture du pays pour mieux toucher son public. [...]
[...] Une autre technique utilisée par le street marketing est l'utilisation d'éléments déjà en place, c'est-à-dire le mobilier urbain, comme supports d'un message décalé, créatif. On peut citer une campagne d'Amnesty International réalisée en Pologne pour sensibiliser le public sur les conditions de détention des prisonniers dans le monde entier, et qui n'a nécessité que la conception d'autocollants à poser sur les bouches d'égout déjà existantes : les autocollants représentaient des images de prisonniers regardant vers le haut, comme s'ils étaient réellement présents sous les pieds des passants. [...]
[...] Ce foisonnement d'images crée une lassitude chez le public et diminue sa réceptivité. Aujourd'hui, les publicités traditionnelles en deux dimensions, c'est-à-dire la catégorie print (affiches, tracts, prospectus ne sont plus prises en compte par l'inconscient des passants et il est de plus en plus difficile de faire passer un message via ces canaux. En 1990, dans La guerre des images, Serge Gruzinski a présenté un historique des images prédominantes dans notre monde depuis 1492, et s'est 1 Cours dʼAlain Mons en Master 2 CPP, Espace, imaginaire et perception dans la société de communication Georges Didi-Huberman, L'image ouverte Henri Joannis, Virginie de Barnier, De la stratégie marketing à la création publicitaire interrogé au final sur le combat que se livrent les images et sur le fait que certains visuels puissent gagner cette compétition et imposer leur propre imaginaire Vingt ans plus tard, la situation décrite et analysée par Gruzinski s'est amplifiée. [...]
[...] Au contraire, le but est de produire des messages décalés et originaux, afin d'interpeller les passants, et de les sortir du rôle passif qu'ils avaient avant, lors des anciennes opérations de street marketing. Car accepter un échantillon ou un flyer des mains d'une personne qu'on ne connaît pas, sans être obligé de s'arrêter et d'interagir avec l'ambassadeur de la marque, est une méthode que l'on peut qualifier d'unilatérale : les passants sont déresponsabilisés et privés d'une relation forte avec la marque, ils prennent ce qu'on leur donne sans chercher à aller plus loin dans la compréhension de l'opération ou dans la découverte de la marque. [...]
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