On considère traditionnellement que l'œuvre d'art a pour finalité la production du beau. Quant à l'idée de beauté, elle relève du domaine de l'esthétique. La vérité, elle, est d'ordre logique : elle fait penser à la science et à la philosophie. Il semble ainsi que l'œuvre d'art ait affaire à la beauté plutôt qu'à la vérité (cf. Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, Gallimard/Tel, p. 37).
Il n'est pas rare, cependant, de dire de certaines œuvres d'art qu'elles sont vraies, d'entendre dire d'un portrait, par exemple, qu'il est « criant de vérité ». Ce que nous voulons signifier par cette expression, c'est que l'œuvre « s'accorde avec notre sentiment de ce qu'est la réalité » (Vocabulaire technique et critique de la philosophie, art. «Vrai », PUF, p. 1223). Boileau allait même jusqu'à établir un lien nécessaire entre beauté et vérité : « Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est aimable » (Satires, IX). Il entendait dire par là qu'il n'y a pas de beauté en dehors de ce qui est conforme à la réalité, aux lois de la nature.
Mais dire d'une œuvre d'art qu'elle est vraie peut revêtir plusieurs significations différentes. Ce qui implique également de choisir, parmi cette pluralité de sens, celui qui est le plus acceptable pour l'esprit.
[...] déjà Pascal : Quelle vanité que la peinture, qui attire l'admiration par la ressemblance des choses dont on n'admire point les originaux ! (Pensées, éd. Brunschvicg, 134). À quoi bon, en effet, reproduire, c'est-à-dire refaire une seconde fois, ce qui existe déjà dans la réalité, au lieu de s'en contenter ? La doctrine de la vérité-ressemblance aboutit à nier l'apport irremplaçable de l'œuvre d'art (cf. Dufrenne, L'Esthétique de la représentation, in Esthétique et philosophie, Klincksieck, t. p. 59). L'art n'est pas reproduction de la réalité, mais production d'une réalité nouvelle. L'artiste n'imite pas, il innove. [...]
[...] Il a pour fonction de nous convertir au réel. Son domaine n'est pas la fiction, l'imaginaire, mais la réalité telle qu'elle est, la réalité dans son essence. Il ne nous invite pas au relâchement du rêveur, mais à intensifier notre attention au réel afin d'accéder à sa vérité. C'est ce que l'exemple du cubisme et de l'introduction de la quatrième dimension dans la peinture permet de saisir. Au début du vingtième siècle, les progrès de la science viennent bouleverser notre vision de l'univers physique, et notamment celle d'un espace limité aux trois dimensions de la géométrie euclidienne. [...]
[...] Elle consiste, on l'a vu, en un élargissement de la perception qui permet à l'artiste d'accéder à la réalité authentique, c'est-à-dire à ce qui, sans lui, demeurerait inaccessible. Il y a donc un apport de l'œuvre qui interdit de la réduire à une simple imitation. Comme le dit Cassirer : C'est une véritable, c'est une authentique découverte (op. cit., p. 205). Mais l'œuvre d'art n'est pas non plus création pure. Elle n'est pas, comme le pensait Baudelaire par exemple, production d'une surnature, c'est-à-dire d'une réalité nouvelle qui serait l'ombre portée des rêves, des fantasmes, donc de l'imagination de son auteur. L'art n'est pas pure fantaisie, pour Bergson. [...]
[...] 115), nous donnant ainsi une vue superficielle de ce qui nous entoure et de nous-mêmes. Comme le dit encore Bergson, la vie exige que nous nous mettions des oeillères (La pensée et le mouvant, p. 152). L'artiste, au contraire, est de manière innée beaucoup plus détaché des exigences vitales, il est moins préoccupé de l'aspect utilitaire des choses. C'est, au sens propre, un distrait c'est-à-dire qu'il est libéré des exigences de la pratique (ibid., p ; Le rire, p. 118). [...]
[...] Dès lors la vérité de l'œuvre d'art, ce serait tout simplement sa beauté. Lorsque la vérité se met à l'œuvre, elle apparaît. C'est ce apparaître qui . est la beauté (Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, op. cit. p. 92). [...]
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