Cette maxime, qui est scandée par les foules lors des funérailles du Roi de France et accompagne généralement sa dépouille jusqu'à Saint-Denis, prouve que la fonction royale est d'une certaine manière immortelle. Preuve en est, la coutume voulait que les Présidents du Parlement de Paris gardent leur robe rouge vif et se distinguent donc du reste du cortège funéraire car ne portent pas le deuil, étant dixit un témoin des funérailles de François Ier, « exempt de porter le deuil car la Couronne et la Justice ne meurent jamais », et ce comme semble le confirmer l'adage Parliamentum Franciae non servat ferias. Ainsi, la fonction royale semble transcender le corps de chair de son occupant.
L'historien allemand Ernst Kantorowicz souligna dans son ouvrage Les deux corps du roi cette dualité du corps du souverain. En France, aux XIVe et XVe siècles, alors que les règles de dévolution sont indécises car un problème de lignée des Capétiens directs oblige à repenser celles-ci. En effet, le miracle biologique capétien, qui a officié depuis Hugues Capet à Philippe le Bel y compris, traversant ainsi douze générations, et qui faisait qu'il y avait toujours un fils pour succéder à son père prend fin. La fiction politique des Deux Corps du Roi va permettre d'établir certaines règles successorales, dont l'instantanéité, et ainsi dessiner les prémisses de la continuité de l'Etat ; car de la première dépend la seconde.
On peut dès lors se demander en quoi ce « mythe politique » contribue-t-il à plaider pour une dévolution instantanée de la couronne et un exercice du pouvoir continu ?
[...] De plus, la qualité de dignitas de la fonction royale confirme que cette dernière est transcendantale. Ce concept prit tout son sens lors de la décrétale Quoniam Abbas du pape Alexandre III qui confirma dans sa fonction le successeur de l'abbé de Winchester qui avait pris place sans y être autorisé au motif que la dignitas ne meurt jamais. Le droit romain a également joué un rôle dans l'émergence de cette doctrine. Tout d'abord, le principe de dignitas est hérité de celui-ci. [...]
[...] Cette fiction, que l'on retrouve dès Balde qui considère qu'il existe deux couronnes (une matérielle et visible, la seconde invisible et immatérielle), va permettre d'asseoir la règle d'instantanéité de la dévolution en France au XVe siècle. Celle-ci ouvre la voie aux prémisses d'un exercice du pouvoir continu essentiel, qui est de nos jours garanti par la Constitution. Bibliographie BOUREAU Alain, Le simple corps du roi, Les Éditions de Paris, Paris GUILLOT Olivier, RIGAUDIÈRE Albert, SASSIER Yves, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, tome Armand Colin, Paris KANTOROWICZ Ernst, Les deux corps du roi, Gallimard, Paris (trad.). [...]
[...] Le roi serait ainsi sacré et ce, peu importe eu égard à son âge ; et la reine assistée, des princes de sang, gèrerait les affaires du royaume. Abolis dès mai 1403, ces principes sont réaffirmés par une quatrième ordonnance sur ce thème en 1407. Ainsi la continuité à la tête du royaume est assurée. Plus pragmatiquement, elle est essentielle au maintien d'une taxation régulière, mais aussi d'une justice, d'une armée et d'une diplomatie permanentes (maintien des mêmes ambassadeurs) selon Oldradus de Ponte[4]. [...]
[...] Origines de la doctrine juridique des Deux Corps du Roi Les origines de cette fiction politique sont multiples. La religion chrétienne a fortement influencé les juristes et philosophes à qui la paternité de cette doctrine est attribuée. À cela s'ajoute des influences du droit romain. Au courant du XIIe siècle, puis lors du concile de Latran en 1215, la théorie bicorporelle du Christ est consacrée. Le dogme de transsubstantiation ainsi établi met fin à de longues querelles théologiques et précise que le Christ a deux corps : l'Eucharistie, étant le corpus verum Christi, et l'Eglise en tant qu'institution, corps politique, étant le corpus mysticum Christi. [...]
[...] Cette dévolution instantanée instaure une continuité à la tête du royaume, permise théoriquement par cette séparation métaphysiologique du Roi. Le droit privé a beaucoup influencé le droit public de dévolution. L'adage le mort saisit le vif en vigueur dans le droit successoral privé, repris dès 1259 par un arrêt du Parlement. Cet adage permet la transmission des biens fonciers et autres sans formalité de transmission. Il va inspirer fortement les quatre ordonnances qui ont permis d'instaurer en France l'instantanéité de la succession royale. [...]
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