Les Guise sont les figures emblématiques des catholiques zélés. Ils possèdent une vaste clientèle et le gouvernement de Champagne, limitrophe de la Lorraine : les Guise peuvent donc apparaître comme détenteurs d'une puissance territoriale qui rappelle celle des ducs de Bourgogne aux XIVe et XVe siècles, même si elle n'atteindra jamais leur ampleur. Toutefois, l'assassinat de François de Guise par un protestant en 1563 prive la famille d'un chef militaire de grande valeur, son fils Henri, encore très jeune, ne s'affirmant politiquement qu'à partir de la Saint-Barthélemy. Le cardinal de Lorraine, qui participa à la phase terminale du concile de Trente, se fit un devoir de faire appliquer celui-ci en France et entretenait des relations avec Philippe II. Il fut la figure dominante de la famille et du parti catholique jusqu'à sa mort en 1574.
Les calvinistes ont aussi leurs chefs : les princes de Condé, l'amiral de Coligny, Henri de Navarre. Le second prince de Condé apparaît plus que Navarre comme le véritable chef des protestants au début du règne de Henri III : plus entreprenant, plus convaincu dans sa foi calviniste (Henri de Navarre avait été élevé pendant plusieurs années dans le catholicisme à la cour de France, sous la surveillance de Catherine de Médicis !), moins compromis par son entourage (Navarre avait une cour formée à la fois de protestants et de catholiques, ce que justifiait son rang royal et sa proximité du trône), il fut un chef militaire pour les révoltés calvinistes jusqu'à la septième guerre de religion. L'équilibre des forces dans le camp protestant tourna à l'avantage de Henri de Navarre dans les années 1580 : Navarre entretenait des relations diplomatiques avec tous les grands souverains européens, aussi bien Philippe II (qui pensa l'utiliser contre Henri III) que les rois et princes protestants d'Europe septentrionale (...)
[...] Or leurs ouvrages sont édités ou diffusés en France. Le lien étroit entre le politique et le sacré entraîne les catholiques les plus exigeants à envisager ouvertement une action contre le roi au nom de la défense de la catholicité contre l'hérésie que défendrait Henri III au côtés du roi de Navarre avec lequel il cherche à reconquérir militairement Paris. L'idée de l'exécution d'une sentence légale par un particulier est pleinement utilisée après que le 7 janvier 1589, la faculté de théologie de Paris ait délié solennellement les sujets de leur serment d'obéissance au roi et ait déclaré que la prise 11 d'armes contre lui était légitime. [...]
[...] Des monarchomaques au tyrannicide 1. Les théories monarchomaques ne sont pas totalement originales. Elles compilent des idées anciennes dont certaines sont défendues par les parlements. L'originalité réside dans la réunion de discours d'origine diverses en une théorie cohérente. La réutilisation d'idées similaires, avec des nuances essentielles, par des factions opposées, montre à quel point la pratique du pouvoir intervient dans la formation de la théorie politique. En théorie, les calvinistes étaient par principe fidèles au roi en toute circonstance. Dans l'Institution chrétienne, Calvin considère que l'obéissance au souverain doit être absolue, fût-il un tyran, car tout pouvoir vient de Dieu (référence à l'épître de Paul aux Romains). [...]
[...] Le mouvement des moyenneurs est d'abord religieux : il cherche un compromis théologique (Georges Cassander, Claude d'Espence). Lorsqu'il émerge dans les années 1550, ce n'est pas un pôle politique. C'est pourquoi il n'est pas simple d'établir une filiation avec les politiques Le cardinal de Lorraine a même pu être séduit par les idées des moyenneurs après la conjuration d'Amboise afin de trouver un compromis qui évite la guerre civile et l'affaiblissement monarchique. Une partie du haut clergé soutient les moyenneurs. [...]
[...] La réunion des Etats généraux à Paris en 1593 par le duc de Mayenne, l'un des chefs de la Ligue, constitue une tentative de mise en œuvre des idées des monarchomaques catholiques puisqu'il s'agit d'élire un roi catholique. L'échec de cette tentative marque la fin des illusions de ce groupe Le tyrannicide résulte de l'idée qu'il est légitime d'exécuter le souverain qui se comporte comme un tyran. Il faut le distinguer du simple régicide, assassinat ou tentative d'assassinat d'un souverain par un individu souvent isolé qui agit au nom de ses idées personnelles. Le tyrannicide se fonde sur une théorie organisée : il érige le geste d'exécution en principe politique. [...]
[...] Une guerre civile sédition légitime peut être conduite par un ou plusieurs grands officiers de la couronne. Le tyrannicide est envisagé mais il ne doit pas être le fait d'individus isolés et ne peut être utilisé qu'en dernière extrémité. Les Vindiciae contra Tyrannos (ouvrage anonyme traduction française en 1581) sont emblématiques de cette pensée. Quand Henri de Navarre devient l'héritier de la couronne en 1584, les pamphlétaires protestants se font plus prudents. La transmission héréditaire du pouvoir doit désormais être défendue par les théoriciens calvinistes. Les monarchomaques révèlent alors leur opportunisme. [...]
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