Dès l'introduction de sa thèse d'Etat Les Galères de France et la société des galériens (1660-1748), André Zysberg prévient : s'il veut offrir « un récit » sur l'itinéraire des galériens et l'histoire-bataille de cette flotte de guerre, son travail est surtout une étude quantitative de l'économie pénale et de la société des galères. La justice pénale, l'informatique au service de l'historien quantitatif et les galères, voilà les trois domaines de prédilection de l'auteur. Il les met en pratique dans cette thèse écrite entre 1971 et 1986 sous la direction d'Emmanuel Leroy Ladurie, qui a participé au mouvement de la Nouvelle Histoire, qui prônait notamment l'histoire quantitative ; c'est la publication de cette thèse que nous étudions.
André Zysberg, né en 1947, est actuellement professeur d'histoire moderne à l'université de Caen où se trouve son groupe de recherche, le Centre de Recherche d'Histoire Quantitative, qui fait partie du pôle « Espaces maritimes, sociétés littorales et interfaces portuaires ». Agrégé d'histoire, docteur ès lettres, il est également membre du Laboratoire d'histoire et d'archéologie maritimes à l'époque moderne (CNRS-Université Paris 4-Musée de la marine). Son intérêt pour les galères s'est confirmé avec une édition annotée des Mémoires d'un galérien du Roi-Soleil du protestant Jean Marteilhe et la publication de Marseille au temps des galères, ainsi que des participations à différents ouvrages collectifs sur ce thème, dont il est le spécialiste le plus éminent.
Les Galériens se veut donc une vaste étude sur une microsociété symbole de tout un régime, mais également une œuvre novatrice par ses thèmes et surtout par son approche méthodologique qui combine le dépouillement informatique des 60 000 fiches de forçats établies entre 1680 et 1748, tâche immense qui avait rebuté les historiens auparavant ; mais également les Archives du fonds marin de France, des traités de construction et de navigation navale, des placets, des journaux de bord et de campagne, des mémoires, des correspondances administratives ou familiales ou encore des témoignages comme celui de Jean Marteilhe.
Fort de cette ampleur, le livre propose douze chapitres, que l'on peut réunir en trois thèmes : le calvaire des forçats (chapitres III, I, II et XII), la microsociété des galères (chapitres VII, IV, V et VI) et l'épopée de la flotte (chapitres VIII à XI).
[...] Les hommes, chargés de fers et de chagrins avancent à pied et sur des radeaux. Pour l'intendant Arnoul, cette marche est la plus rude peine des condamnés où ils sont battus sans cesse, dépouillés de tout, mal nourris et épuisés par les capitaines de chaîne, qui font plus leur gain réel aux dépends des forçats qu'avec la paie du roi. S'il est étonnant que des hommes destinés à des travaux pénibles soient aussi mal traités, l'auteur montre bien la place du répressif dans l'idée de justice et comment la plus grande rigueur est recommandée contre ces criminels, notamment par la correspondance administrative. [...]
[...] Ainsi, La Pailleterie fait sensation à Dunkerque avec ses Turcs Puis les voyages deviennent de moins en moins mondains car il s'agit de montrer la puissance navale du roi, à travers des campagnes armées en Méditerranée. Mais le temps des galères s'achève pendant la guerre de Succession d'Espagne et le déclin est rapide car les galères sont jugées trop chères pour leur faible résultat technique tandis que l'alliance avec l'Espagne augmente la puissance navale de la France. A partir de 1707, les galères ne sortent plus de Marseille sauf pour de courtes missions avec seulement quelques navires, même si les galères du Ponant continuent de faire la chasse aux corsaires hollandais. [...]
[...] Le fonctionnement du gréement latin à deux mâts propre à la galère est également explicité par des croquis. Le poids des antennes et le système de ce gréement obligent à des manœuvres épuisantes, mais la galère a la capacité unique d'avoir 200 à 300 matelots supplémentaires par rapport aux autres navires. C'est cette participation de la chiourme aux manœuvres des voiles qui amène Zysberg à remettre en cause une vision simpliste des galériens et à les considérer comme des marins à part entière. [...]
[...] Le vol, quant à lui, se fait de façon presque officielle et se pratique sur tout, des objets de culte jusqu'à la chaîne qui gardait l'entrée du port de Marseille . Ces trafics rapportent, or tout forçat qui a de l'argent a la liberté qu'il souhaite y compris celle de mouvement, ce qui rapproche encore plus les galériens et la société urbaine et amène un questionnement sur les liens sociaux qui peuvent se forger ; et Zysberg d'évoquer les mariages qui sont cependant restés rares. [...]
[...] Ensuite, les peines respectées et le difficile cap de dix ans, que beaucoup de longues peines ne passent pas, expliquent également pourquoi les galères sont aussi mortifères sous Louis XV. Enfin, certaines populations ont su mieux résisté comme les droits communs, les déserteurs et les protestants, tandis que les faux-sauniers mouraient plus vite : des groupes ont eu des destinées différentes car ils ne jouaient pas le même rôle dans ce microcosme des galères. C'est cette microsociété qu'il convient de cerner dans une deuxième partie, et en premier lieu, savoir de qui elle est composée et quelle est sa hiérarchie. [...]
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