Dans les après-guerres, les modes de représentation du conflit tendent à privilégier la consolation. Des images aseptisées de la guerre et de la violence sont mises sur le marché et sont politiquement instrumentalisées au nom de l'espoir qu'elles portent.
Quand elles deviennent intolérables à quelques-uns de ceux qui ont traversé les événements, ceux-ci montent au créneau.
Ils cherchent à débarrasser notre compréhension de la guerre des lectures héroïques ou romantiques du passé.
Ils forment une catégorie générale d'observateurs, les « témoins moraux. »
Se distinguant à la fois des martyrs, témoins d'une foi religieuses, et des individus qui déposent à la barre, les « témoins moraux » sont les conteurs d'une histoire terrible qui définit leur existence. Le type particulier de mémoire dont il dispose produit ainsi une figure sociale majeure.
[...] Survivre ne suffisait pas ; il convenait d'être un martyr. Mais pour Wells, la résistance de masse parmi les prisonniers des camps de concentration n'était que le produit d'un fantasme et d'un mythe politique. Une telle révolte héroïque ne se produisit pas car elle ne pouvait pas avoir lieu. Certes, il avait tué ses gardes et s'était évadé, mais cela ne faisait pas de lui un héros pour autant. A bien des égards, son histoire coïncide avec celle de Norton Cru et de son Témoignage. [...]
[...] Son carnet décrit des aspects de l'Holocauste qui en sont devenus autant de symboles. Son appartenance aux Brigades de la mort rend toutefois cette histoire particulière. Alors que tous les Sonderkommandos, à une seule exception près, furent liquidés pour couvrir le crime qu'ils avaient eux-mêmes couvert, Weliczer se trouva parmi les survivants. Au fond d'un ravin, un bunker fut construit, où se déroulait, outre des exécutions, la crémation des fusillés, morts ou vifs. S'ensuivait le tamisage des restes des victimes, par lequel était récupéré tout objet de valeur demeuré sur les corps. [...]
[...] De plus, les témoins empêchent les coupables d'enterrer leurs crimes aux côtés de leurs victimes, et leur parole établit l'accusation contre les négateurs. Le témoin donne à la première personne le récit d'une rencontre personnelle dans lequel il livre ses sentiments. Les témoins moraux sont donc des vecteurs cruciaux de mémoire, grâce auxquels la connaissance de ce terrible passé permet de tirer des leçons morales capitales. En outre, le témoin s'inscrit dans un espace d'échange où circulent des récits mensongers. [...]
[...] Le témoin moral et les deux guerres mondiales : (Jay WINTER) In Revue européenne d'Histoire sociale A. Introduction Dans les après-guerres, les modes de représentation du conflit tendent à privilégier la consolation. Des images aseptisées de la guerre et de la violence sont mises sur le marché et sont politiquement instrumentalisées au nom de l'espoir qu'elles portent. Quand elles deviennent intolérables à quelques-uns de ceux qui ont traversé les événements, ceux-ci montent au créneau. Ils cherchent à débarrasser notre compréhension de la guerre des lectures héroïques ou romantiques du passé. [...]
[...] Le bon sens, la cohérence et l'attention aux détails que seuls ceux qui avaient vécu au front connaissaient soutenaient leurs ouvrages. Len Smith a indiqué comment la lecture de Norton était emprunte de littéralisme protestant. A l'instar des saintes Ecritures, la parole portée par ces textes traitant de la vie et de la mort constituait la voie du sacré, quand bien même elle menait souvent au profane. Norton Cru couvrit d'un même opprobre les souvenirs pacifistes de Barbusse ou Remarque, ceux du romancier de droite Dorgelès ou ceux d'Ernst Jünger. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture